Annexe documentaire du mémoire de licence :
La presse genevoise face à l'Allemagne national-socialiste. 1933-1934

présenté par

Marc Reymond

en juin 1998 à l'Université de Genève , Faculté des Lettres, sous la direction du professeur Jean-Claude Favez



Le mémoire de licence

Table des matières


L'Action Nationale

11 mars 1933

p.3: Le coup de balai Lucien CRAMER.
L'Action Nationale

18 mars 1933

p.2: Est-ce faire de l'antisémitisme?... P.B.
L'Action Nationale

24 juin 1933

p.3: Les "atrocités hitlériennes" et...les autres B.
La Bise

24 février 1933

p.3: Une lettre d'Hitler (Adolphe) au Conseil d'Etat genevois [pas signé]
Le Courrier de Genève

31 janvier 1933

Bulletin: Hitler chancelier H.S.
Le Courrier de Genève

3 février 1933

Bulletin: Le communisme allemand aux abois R.L.
Le Courrier de Genève

30 mars 1933

Bulletin: L'antisémitisme hitlérien

R.L.
Le Courrier de Genève

5 avril 1933

Bulletin: Le judaïsme contre l'Allemagne ? R.L.
Le Courrier de Genève

11 juillet 1933

Bulletin: Vers l'apaisement ? R.L.
Le Courrier de Genève

18 août 1933

Bulletin: Racisme H.S.
Le Courrier de Genève

6 mai 1934

Bulletin: Le Concordat autrichien H.S.
Le Courrier de Genève

27 mai 1934

p.1: Les Juifs et nous R.L.
Courrier de Genève

3 juillet 1934

Bulletin: Où va le Troisième Reich ? R.L.
Courrier de Genève

25 août 1934

Bulletin: Hitler a-t-il compris ? R.L.
Le Drapeau rouge

4 février 1933

p.1: Hitler au pouvoir ! Le parti communiste lance un appel à la grève générale

[pas signé]
Le Drapeau rouge

28 octobre 1933

p.2: Sus aux boches ! V.
Le Genevois

16 août 1933

p.1 : Halte-là ! [pas signé]
Le Genevois

6 septembre 1933

p.1 : Au sujet du XIXme Anniversaire de la déclaration de guerre I.E.
Le Genevois

23 septembre 1933

pp.1-2: Au Camp de Concentration de Dachau P. Bise
Le Genevois

17 janvier 1934

p.1 : Hitler et le Marxisme [pas signé]
Le Genevois

28 juillet 1934

Editorial : La terreur germanique [pas signé]
Journal de Genève

31 janvier 1933

Editorial : La chute du général de Schleicher. l'Allemagne à la croisée des chemins W.M.
Journal de Genève

21 juin 1934

p.1 : M. von Papen élève la voix J.M.
Journal de Genève

2 juillet 1934

Editorial: Hitler frappe P.-E. B.
Journal de Genève

12 juillet 1934

Editorial: L'Italie et les événements d'Allemagne Th. V.
Journal de Genève

27 juillet 1934

Editorial: La mort du chancelier Dollfuss P.-E. B.
Journal de Genève

4 août 1934

Editorial: Président et chancelier

P.-E. B.
La Liberté syndicale

23 mars 1934

p.1 : Qui sauvera la France ? R. LEYVRAZ
La Lutte

6 juillet 1934

p.1 : L'ébranlement du fascisme allemand [pas signé]
Le Peuple genevois

23 septembre 1933

p.3: Petites nouvelles de l'U.R.S.S. VALODIA.
Le Peuple genevois

4 novembre 1933

p.2: Ce qu'admire Georges Oltramare. Hitler fait la guerre aux enfants [pas signé]
Le Peuple genevois

20 avril 1935

p.1 : Le temps présent. La victoire de Stresa Fortuny
33. Le Pilori

3 juin 1932

p.5 : Gross et les valeurs spirituelles G. O.
Réaction

18 septembre 1935

p.1: La honte blanche de la S.d.N trahit l'Europe au profit de la honte noire d'Afrique [pas signé]
La Suisse

2 juillet 1934

p.1 : Le complot de Roehm René BAUME.
La Suisse

12 juillet 1934

p.1 : Au jour le jour ZED .
La Suisse

27 juillet 1934

p.1 : L'alarme autrichienne René BAUME.
Le Travail

8 mars 1933

p.1: En Allemagne. Moitié contre moitié Edm. P.
Le Travail

18 mars 1933

Billet quotidien: Alerte aux hébreux

E.
Le Travail

23 mars 1933

p.1: A Leningrad [pas signé]
Le Travail

4 juillet 1934

p.1: Les événements d'Allemagne. L'arrière-pensée de Hitler et Goering, ( De notre correspondant spécial.) Y.A.



1. L'Action Nationale   -  11 mars 1933

p.3: Le coup de balai

Le sérieux coup de balai donné au communisme par le nouveau Chancelier allemand était la conséquence inéluctable de cette malencontreuse "alliance avec le diable" que tous les Gouvernements de l'Allemagne d'après guerre avaient conclue avec Moscou.

Si profond a été le désastre causé en Allemagne par cette impardonnable faiblesse des régimes précédents, qu'à Berlin, nombreux sont ceux qui redoutent qu'on s'arrête à mi-chemin sans avoir abouti à un nettoyage complet.

En ce pays, en effet, la bolchévisation s'est effectuée aussi par "en haut", c'est-à-dire par les sphères dirigeantes et peu de jours encore avant l'incendie du Reichstag, le général von Seckt publiait une brochure insistant sur la nécessité du maintien à tout prix de l'alliance germano-soviétique.

Un des principaux leaders du parti catholique affirmait qu'en dépit de ces nombreux inconvénients la collaboration avec les Soviets lui paraissait nécessaire.

Quant au général von Schleicher, hier encore chancelier d'Empire, il en était partisan convaincu.

On cite le cas de familles allemandes très en vue dont certains membres se trouvent incorporés dans l'organisation soviétique de propagande et d'espionnage.

Il est donc permis d'affirmer que grâce à cette politique insensée, l'Allemagne était devenue le principal point d'appui du bolchévisme en Occident.

Sentant le terrain se dérober sous eux, les partis de gauche redoublent en ce moment d'efforts pour imposer leur révolution à l'Europe désemparée par la crise mondiale.

A l'appel du 19 février, lancé par le Bureau de l'Internationale socialiste à Zurich pour l'unité ouvrière, vient de répondre le journal communiste l'Humanité, du 5 mars, préconisant lui aussi la formation du front unique entre socialistes et communistes. Moscou s'emparerait de la direction du mouvement pour y faire triompher la solution la plus violente.

Déjà le parti socialiste révolutionnaire d'Espagne vient d'adhérer en bloc au parti communiste.

Après cela, comment admettre avec un journal de notre ville qu'Hitler aurait tout fait pour étrangler la démocratie et le parlementarisme parce qu'il s'est permis d'ordonner des perquisitions au centre communiste de Berlin pour y saisir les documents de la IIIe Internationale. Peut-on lui reprocher aussi d'avoir procédé à l'arrestation des grands chefs communistes et à la saisie des feuilles subversives ?

Il y a tout lieu au contraire de féliciter chaudement le nouvel élu du peuple allemand pour les mesures énergiques que, premier des chefs de gouvernements, il a eu le courage d'appliquer au mal qui ronge l'Europe.

Nous le félicitons aussi de la leçon de patriotisme et d'élémentaire bon sens qu'il vient de donner aux Herriot, aux MacDonald et autres équilibristes de la haute politique. Voici trop d'années que ces hommes d'Etat ménagent d'une façon lamentable les fauteurs du désordre et de la Révolution dans l'espoir assurément bien naïf de parvenir à les désarmer ou plutôt de les faire servir à leurs fins politiques.

En rompant en visière avec l'ennemi le plus redoutable de notre civilisation, Hitler accomplit en ce moment une oeuvre de salut public qui n'a que trop tardé, mais qui ne portera des fruits que dans la mesure où cet homme courageux autant qu'ardent saura se contenir dans de justes limites et ne pas compromettre par des gestes malencontreux, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, le résultat auquel il tend en ce moment.

Espérons en effet que le nouveau Chancelier sera le maître de maintenir entre Etats européens la paix durable qui est essentielle à la réussite de la croisade contre le bolchévisme moscoutaire.

Il importe de ne pas oublier que toute crise entre deux pays occidentaux ne peut que servir l'oeuvre destructrice de Moscou.

La doctrine léniniste n'est point opposée en effet aux guerres politiques. Elle s'efforcera, au contraire, de les transformer en guerres civiles, à l'exemple de ce qui s'est passé en Russie même.

La guerre entre Etats deviendrait donc le plus sûr véhicule du microbe soviétique, lequel s'est déjà infiltré dans nos pays à un point qui devient de jour en jour plus sensible.

Espérons que le récent élu de dix-sept millions de suffrages allemands, conscient de l'énorme responsabilité qui l'attend, justifiera l'espoir du monde en travaillant dans la mesure de ces forces au rapprochement des nations pour opposer au front commun formé actuellement entre socialistes et communistes, celui de tous les hommes pour lesquels le maintien de l'ordre et de la civilisation a conservé une signification.

Lucien CRAMER



2. L'Action Nationale   -  18 mars 1933

p.2: Est-ce faire de l'antisémitisme?...

Lorsque les politiciens de gauche arrivent à l'abîme vers lequel les a poussé une démagogie inhérente à leur état, ils s'écrient: "Le mur d'argent, citoyens..." Et c'est une nouvelle occasion d'attaquer la fortune qui se voit, l'argent qui produit, les biens qui servent le pays et qui ne peuvent passer les frontières.

Et l'autre fortune, l'anonyme, la vagabonde, celle qui provoque les guerres, celle qui finance les révolutions, celle qui fait et défait les Etats, qui passe les océans dans le bateau des holdings ou sur l'aile de la T.S.F., celle qui, d'un coup de téléphone ou de trois mots en langage chiffré, peut jeter au chômage des millions d'ouvriers ?

De celle-ci, personne ne parle. Son mystère l'a rendue sacrée. Elle a cousu les bouches et lié les plumes. Elle a réduit en état de servilité les chefs politiques, rouges ou roses. Il y a trente ans, les meneurs socialistes étaient souvent patriotes et antisémites, ils n'avaient pas encore reçu les offres ou compris les menaces de l'internationale de l'or. Maintenant ils sont ses dévots, ses alliés ou ses esclaves.

Lorsque l'ouvrier s'inquiète, la presse de gauche, pour le rassurer, dénonce un Ford, un Deterding ou quelqu'autre magnat fabuleusement riche. C'est faire croire à l'ouvrier que ses misères proviennent uniquement de quelques hommes trop riches, hommes connus et nommés.

Mais ces grands capitaines ont produit quelque chose, leur prospérité a rejailli sur des milliers de travailleurs. Ces hommes se sont parfois trompés, ils n'ont pas toujours respecté leurs devoirs sociaux, mais ils ont créé, ils ont produit. Leur vie entière s'est déroulée dans le cadre visible d'une industrie, d'un commerce, sous le contrôle de mille yeux curieux et attentifs.

Pour ces hommes, les feuilles révolutionnaires n'ont que sarcasmes et insultes.

Il est vain de vouloir défendre tout bien spirituel ou matériel, rien ne se fera contre les pillards des richesses nationales ou particulières, tant qu'on aura pas consenti honnêtement à poser la question juive et à la résoudre, sana passions, mais rigoureusement.

Est-ce faire de l'antisémitisme que de constater que le super-capitalisme est juif, que la finance internationale est juive, que la race juive est prodigieusement armée pour le commerce de l'argent, pour la spéculation la plus monstrueuse et la plus subtile à la fois?

Est-ce faire de l'antisémitisme que de constater que quelques centaines de financiers juifs (aidés par une douzaine de chrétiens) détiennent le pouvoir sur le monde?

Est-ce faire de l'antisémitisme que de constater que la finance juive possède, ou "contrôle", comme on dit bien démocratiquement, les finances publiques des Etats, qu'elle a la haute main sur les ressources naturelles, les céréales, les matières premières, les mines, les chemins de fer, les transports maritimes, les industries, le commerce, les produits pharmaceutiques, la presse d'information, la publicité, les théâtres, les cinémas, les plaisirs?

Est-ce faire de l'antisémitisme que de constater que les partis de révolution sont généralement menés par des juifs, que les théoriciens du marxisme et de ses dérivés sont juifs, que l'Humanité, pour ne citer que ce journal, a été fondée par douze gros capitalistes juifs, que sans l'argent de Kuhn, Schift, Loeb ou Warbourg, de New York, jamais les idées de Lénine n'auraient pu trouver d'application pratique?

Est-ce faire de l'antisémitisme que de constater que les juifs forment une race, restée une, malgré les vicissitudes des siècles, malgré les divergences de foi ou l'absence de croyances, malgré les frontières, malgré les étiquettes facilement interchangeables?

Enfin est-ce faire de l'antisémitisme, est-ce vouloir allumer une guerre religieuse, comme le prétendent des feuilles imbéciles - dûment appointées pour l'être - que de s'opposer aux menées de cette race, que de vouloir défendre ce qui nous reste de patriotisme, de souveraineté, d'honneur et de fierté? que de vouloir reprendre ce que des étrangers nous ont enlevé?

Contre les financiers qui mènent le monde, la presse bolchéviste et socialiste ne dit mot. Domestiquée, elle marche servilement aux ordres de ses maîtres. Ses rédacteurs les plus insolents sont toujours encadrés par des congénères des grands flibustiers internationaux.

Les maîtres juifs de la Russie peuvent fusiller les ouvriers par centaines de mille, la presse marxiste reste muette ou, plus souvent, elle encourage les fusilleurs. Mais, si un étudiant yddisch est bâtonné en Pologne, si des Hitlériens ferment les grands bazars juifs de Francfort, si des patriotes roumains s'avisent de vouloir appliquer le numerus clausus, aussitôt les journaux rouges vocifèrent, les hyènes bolchévistes et les chacals socialistes font entendre un concert de hurlements, discrètement orchestré par les financiers qui mènent le monde et accompagnés en sourdine par une presse vénale et vendue qui crie hypocritement à la guerre de religion...

Parallèlement, la finance internationale menace le pays qui prétend échapper au grignotement. Ses finances publiques, son crédit, son économie, sa sécurité même, sont mis en péril.

Les Hébreux de l'antiquité ont élevé le Mur des Lamentations.

Les financiers juifs ont bâti le Mur d'argent. Mais, devant ce dernier, ce sont les aventuriers de gauche qui se frappent le coeur, jouent la comédie de l'affliction et se répandent en jérémiades hypocrites.

Qu'on ne s'y trompe pas: ces démagogues ne terminent pas leur carrière sans avoir trouvé le pont d'or qui leur permet de franchir le mur d'argent...

P.B.



3. L'Action Nationale   -  24 juin 1933

p.3: Les "atrocités hitlériennes" et...les autres

Il n'est pas question ici d'excuser les violences ou les persécutions d'où qu'elles viennent, mais il convient de marquer toute l'hypocrisie, toute la bassesse d'une certaine presse tenue en laisse par la finance internationale et asservie par la publicité des grands bazars juifs qui, dans tous les pays, travaillent ouvertement à la ruine des classes moyennes et, par là, des nations elles-mêmes.

Chacun a pu constater quelle campagne forcenée menaient des revues illustrées - "Vu" pour ne citer que celle-ci- contre les hommes de la révolution nationale allemande. Photos outrageusement truquées, reportages confiés à des journalistes israélites, excitation à une nouvelle guerre- dite de droit - en réalité guerre de la ploutocratie universelle contre le pays qui a brisé les chaînes... Tout a été mis en oeuvre.

En Suisse, la plupart des journaux ont bien mérité les fructueux contrats de publicité qui viendront récompenser leur zèle.

*

[critique de la Tribune de Genève, du Travail, du Genevois et du Peuple genevois]

*

Les révolutions antimarxistes - qu'on les appelle comme on voudra - font toujours moins de victimes que les révolutions de gauche.
La révolution nazi, en trois mois, a provoqué moins de trois cents morts.
La révolution française en a fait quatre-vingt-dix mille, sans compter ceux que le militarisme jacobin a laissés sur tous les champs de bataille de l'Europe.
La révolution fascistes a coûté quelques centaines de victimes.
La révolution espagnole, depuis deux ans, baigne dans le sang.
La révolution russe a tué cinq millions d'êtres humains, ouvriers, soldats, prêtres et paysans. Elle en fait périr encore chaque jour.
En dix ans, les nazis ont perdu un millier de leurs camarades, assassinés, de nuit, par les bandes socialistes et communistes.
Les victimes sont, à quelques exceptions près, toujours à droite.
Massacre de Marseille, de la rue Damrémont, à Paris, meurtre de Saint-Pons, assassinats antifascistes en France, assassinats de Plateau et de Berger, secrétaires de l' "Action Française". Koutiepoff, Petlioura, Bonsevi et des centaines d'autres, tous tués par des socialistes, des communistes et des anarchistes...

*

Voyons un peu les pays dans lesquels la presse judéophile a su provoquer des explosions de colère contre Hitler et les dix-sept millions d'Allemands qui l'ont suivi.

En France, grands meetings. Sur les estrades voisinaient des évêques, des francs-maçons, des rabbins, des pasteurs, des libéraux, des communistes et M. Herriot.
Les radicaux et francs-maçons qui ont proclamé leur indignation se déclarent, à tout propos, les fils spirituels des "grands ancêtres", de ceux qui firent fonctionner jour et nuit la guillotine, de ceux qui fusillèrent les Lyonnais.
Que sont les bastonnades de Francfort auprès des noyades de Nantes et des massacres de Septembre ? Que sont les expropriations et les proscriptions du IIIe Reich à côté de celles qu'édicta la IIIe République contre les congrégations ?
Par des lois, on dépouilla les communautés religieuses de plusieurs milliards, escroqués par des politiciens radicaux à leur seul profit.
A la tribune politique, il y avait aussi des libéraux, dont les ancêtres versaillais ont fusillé, par dizaine de mille, les partisans de la Commune de Paris. Les hitlériens n'ont pas encore, que nous sachions, tué des enfants. En France, on a assassiné Philippe Daudet, par haine de son père et un enfant du même âge (14 ans), le petit Pichon, a été tué à coups de pied, au bord d'un trottoir, par un gardien de la paix !
Le gouvernement français fait un pont d'or au Juif communiste Einstein; pendant ce temps, le grand savant Branly, catholique il est vrai, végète dans son laboratoire délabré.

*

En Espagne, on vient de dépouiller et d'expulser le clergé, on incendie les églises - des trésors d'art - et des maisons particulières. Tous les jours, des bombes éclatent. On s'entretue au nom de la Fraternité.
Les radicaux-socialistes qui "gouvernent" l'Espagne protestent parce qu'on expulse les marxistes. Eux, ils font périr à petit feu leurs ennemis politiques. Ainsi, le Dr Albinana, chef de l'opposition, a été envoyé à Las Hurles pour y agoniser.
En Allemagne, on brûle des livres. En Espagne, à Casa-Viejas, la police a brûlé vifs vingt paysans - dont une femme - et en tue quatre cents autres, dans la montagne, à coups de carabine !

*

En Angleterre, vertueuse indignation du Parlement ! De ce Parlement qui a permis que l'Irlande fût semée de potences ! De ce Parlement qui a décrété la guerre des Boers, au cours de laquelle la moitié de ce peuple indomptable fut froidement exterminée - femmes et enfants compris - pour la possession de quelques mines de diamants !...

Et les Indes ! Et la guerre de l'opium en Chine ! Et la colonisation par la mitrailleuse ! Et tout le reste !...

Les mêmes Anglais qui méprisent les peuples de couleur et pourchassent - sagement - les communistes, ne tolèrent pas qu'un autre pays écarte de ses affaires nationales les marxistes et le peule juif.

*

Mais c'est aux Etats-Unis que les protestations contre le nouveau régime ont été les plus violentes et les plus scandaleusement hypocrites aussi.

U.S.A.! Le pays où quelques dizaines de gangsters font la loi, veut donner des leçons à un régime qui a plus de dix-sept millions d'hommes - ouvriers paysans, intellectuels, paysans - derrière lui.

U.S.A.! Le pays où, sous l'oeil complice des autorités, s'organisent de véritables chasses à courre contre des nègres, qui sont lynchés, pendus, grillés !

Le pays où on garde un Tom Mooney pendant quinze ans en prison, le condamnant à mort tous les mois pour finir par le reconnaître innocent !

Un journaliste américain, Emmanuel H. Lavine, vient de publier un livre aux Editions de la N.R.F., "Le troisième degré". Il raconte comment la police américaine obtient des aveux: pendant des heures, des policiers frappent à coup de matraque le prévenu. Lorsque les agents n'en peuvent plus et que la victime ne consent pas à se reconnaître coupable, qu'elle le soit ou non, on fait venir un dentiste qui perfore les dents et scie la mâchoire...

Le "troisième degré", qui constitue la base même des méthodes policières américaines, est appliqué chaque jour aux Etats-Unis, et ailleurs aussi.

Voilà ce qui se passe dans un pays où le rabbin Newmann et ses congénères prêchent la guerre sainte contre Hitler, guerre à laquelle ils enverront d'autres hommes se faire tuer, guerre pendant laquelle, une fois de plus, ils rempliront leurs coffres.

*

Avant de crier leur haine pour le régime hitlérien, avant de stigmatiser les persécutions hitlériennes, les bastonnades, les crimes des S.A., les camps de travail, le boycott des grands magasins juifs et les expulsions de marxistes, que ces hypocrites nous parlent donc des massacres soviétiques, des bandes d'enfants affamés dont les soviets se débarrassent à l'aide de mitrailleuses, des bagnes glacés de Solowki, des persécutions anglaises et américaines et des grillades de M. Azana.

B.



4. La Bise   -  24 février 1933

p.3: Une lettre d'Hitler (Adolphe) au Conseil d'Etat genevois

Berlin, le 25 février 1933

Chers et féaux vassaux,
Bravo ! J'ai appris avec une joie profonde et trois mois de retard que vous aviez tenté et réussi un magnifique acte patriotique.
Mais votre action ne doit pas s'arrêter là.
Vous me demandez, par un émissaire discret et chevelu, de nouvelles instructions. Les voici, et que notre vieux Gott vous permette de les appliquer.
Vous interdirez tout d'abord le port du nez busqué. Le nez busqué, bossu, crochu ou en bec de corbin est un ornement provocateur. Vous chargerez un menuisier spécialiste de raboter ces nez révolutionnaires. Les nez qui refuseront de se soumettre seront passés par les armes.
Vous mettrez ensuite en garde votre docile population contre les dangers que présente le vêtement civil. Vous lui rappellerez qu'en de certaines circonstances, ceux qui portent des habits disparates sont plus exposés que les citoyens conscients qui revêtent le pantalon d'ordonnance et la vareuse N° 3. Par conséquent, vous mettrez en vente, avec obligation d'achat, un nombre d'uniformes égal à celui des habitants mâles, du berceau à 120 ans. Vous distribuerez aussi des fusils et des fusils-mitrailleurs. Quand tout le monde sera vêtu et armé, vous constituerez des groupes, que vous appellerez bataillons, et des sous-groupes, les compagnies. Vous préciserez bien qu'il s'agit non pas d'une militarisation, mais d'une oeuvre esthétique. Tous les jours, entre 8 et 21 heures, vous ferez manoeuvrez votre population et vous lui apprendrez le maniement d'arme. Chaque mois vous procéderez aux manoeuvres d'ensemble. La moitié de vos hommes sera placée d'un côté de la ville, et l'autre moitié à l'opposé. Vous ferez alors effectuer des tirs d'essais, puis vous enterrerez les morts avec les honneurs qui leurs sont dus. Vous pourrez, pour donnez de l'attrait à la cérémonie, mettre le feu à quelques bâtiments qui hébergèrent, autrefois, les satanés bandits révolutionnaires.

Comme de juste, vous interdirez l'usage, sur votre territoire, de la presse d'imprimerie. Il faut que, dans l'espace de cinq années - c'est mon plan quinquennal - vos sujets aient désappris à lire. La lecture, voilà l'origine de nos maux. Abonnés aux joies paisibles du tir fauchant, vos serfs n'auront plus besoin d'intellectuels. C'est le bonheur des enfants et la tranquillité des gouvernements.

Vous ferez enfin élever une bonne douzaine de statues à la gloire de mon ami Georg Oltrmarsohn, juif convert au troisième Reich, statues qui le représenteront en pied ou à mi-corps. Ces statues seront déclarées miraculeuses par votre bien-aimé clergé. Elles guériront des écrouelles, de la rougeole, du mal de Naples, de la piachaudis et de l'outre-cuidance.

J'aurais encore mille autres conseils profitables à vous donner, mais votre émissaire ne me remet qu'une obole de 400,000 marks. Pour le prix, je ne puis faire plus; veuillez vous en souvenir.

Poussons ensemble un triple hoch ! (Maurice) en l'honneur de la liberté et de la repopulation.

Je vous salue.

Mon salut est à vous (prix 3 marks 75).

Votre Adolphe pour la vie.

[pas signé]



5. Le Courrier de Genève   -  31 janvier 1933

Bulletin: Hitler chancelier

Lundi matin, Hindenburg a nommé Adolf Hitler chancelier du Reich.

Cette nomination sanctionne officiellement la réconciliation du vieux président du Reich avec le chef des nationaux-socialistes auquel il a tant hésité à confier le pouvoir. Mais ce que les négociations directes n'avaient pas réussi, au cours de ces derniers mois, ni la fantastique avancée électorale des nazis en 1932, la diplomatie de M. von Papen, chargé par Hindenburg de résoudre la crise ministérielle ouverte par la démission de von Schleicher, l'a obtenu.

Le président Hindenburg n'attendait pas le moment opportun pour rappeler von Papen, dont il ne s'était séparé qu'avec regret, parce qu'il n'était plus possible de faire autrement, celui-ci n'ayant, pour le soutenir devant le Parlement et l'opinion, que la mince cohorte des nationaux-allemands. De von Schleicher, le président a reçu la démission, samedi, avec un coeur léger. On peut dire qu'il l'a poussé dehors, en refusant de lui accorder les garanties élémentaires de stabilité qu'il ne ménageait pas, naguère, à von Papen. Il y avait longtemps, d'ailleurs, que von Papen, chargé de mission par Hindenburg dont il était resté l'homme de confiance, cherchait un successeur au général. Comment l'homme attaqué si furieusement par les nazis, à l'époque où il était chancelier, dirigea-t-il ses manoeuvres du côté d'Hitler ? Mystère des nécessités de la restauration impériale, servie avec zèle par von Papen, ami de l'ex-kronprinz. Tous les efforts pour trouver une coalition gouvernementale favorable à cette solution ayant échoué, il ne restait plus qu'à jouer la carte Hitler. Les Hohenzollern encourageaient ouvertement la chose; plusieurs des membres de l'ex-famille impériale participent au mouvement national-socialiste et multiplient les gestes sympathiques à l'égard de celui-ci. Les dernières élections au Reichstag ont prouvé qu'en écartant du pouvoir le parti hitlérien, on l'usait, non au profit des droites, mais du communisme. Mieux valait utiliser ce mouvement que favoriser son effritement dans ces conditions. Pour avoir une garantie contre les excès démagogiques des nationaux-socialistes, il fallait rétablir le front de Harzbourg, amener les nazis au pouvoir sous le contrôle des nationaux-allemands.

C'est avec cette idée que von Papen entra en négociations avec ses anciens adversaires. Hitler ne laissa pas tomber cette chance inouïe de renouvellement qui s'offrait à lui, à une heure où rester inactif pouvait précipiter son déclin. Il promit tout ce qu'on voulut, et donna même des gages tangibles de sa bonne volonté, comme la manifestation anticommuniste de la Bülowplatz.

Le chancelier Hitler prend la tête d'un cabinet d'extrême droite, dont la composition, inspirés par Hindenburg, est d'une couleur violemment réactionnaire. Von Papen y trône aux côtés d'Hitler, dont il est le vice-chancelier, et du chef des monarchistes Hugenberg, auquel est confié le portefeuille de l'économie. Les hobereaux chers à von Papen et à Hindenburg y sont en bonne place et les "von" retentissent comme aux plus beaux temps du cabinet des barons: le compte Schwerin von Krosigk a les finances, Elz von Hubenach les postes et communications, le général von Blomberg la Reichswehr, von Neurath les affaires étrangères. Du côté national-socialiste, c'est l'ultra-réactionnaire Frick, le dictateur de la Thuringe, qui obtient le portefeuille de l'Intérieur et Goering le ministère de l'Air. Pour couronner dignement ce cabinet Hitler, Franz Seldte, le chef des Casques d'Acier, aura le ministère du travail.

S'il y avait eu un commissariat chargé de la surveillance de la Constitution républicaine de Weimar, le prince Eitel-Friedrich, à défaut du kronprinz, eût paru tout désigné !

La Germania écrivait, à la chute du cabinet Schleicher:

" Ce que nous avons vu depuis quelques mois n'est plus un régime autoritaire. C'est un régime de coterie, qui laisse l'impression que le peuple et la politique allemande sont devenus la propriété d'une famille."

Il n'est pas difficile de deviner quelle est cette famille.

H.S.



6. Le Courrier de Genève   -  3 février 1933

Bulletin: Le communisme allemand aux abois

Voilà le Reichstag allemand dissous, et de nouvelles élections en perspective pour le début de mars. Il est clair, cependant, que la grande bataille ne se livrera pas sur le terrain électoral. Quelle que soit la réponse des urnes, Hitler et Hugenberg tiennent le pouvoir et ne le lâcheront pas. La lutte est engagée dès maintenant dans la rue entre fascistes et communistes. De toutes parts, des foyers de guerre civile se rallument. La situation est plus que jamais révolutionnaire et, selon le tour qu'elle prendra, l'attitude de Moscou peut devenir rapidement menaçante. Lénine et ses émules ont toujours fondé de grands espoirs sur l'Allemagne: si le fascisme parvient à s'établir solidement dans ce pays, ces espoirs sont fauchés et la révolution mondiale rentre décidément dans le domaine du mythe. Tout d'abord, Moscou a feint d'envisager avec détachement l'éventualité d'une dictature hitlérienne. Ordre fut donné aux communistes allemands de ne pas pousser la lutte à fond, de "laisser faire" le Führer pour qu'il s'use et se discrédite. Trotzky, en cela plus clairvoyant que Staline, comprit aussitôt la gravité du péril et préconisa la lutte à outrance. L'expérience italienne lui donne raison. Pendant des années, la presse d'extrême gauche a prédit la chute imminente de Mussolini, " dictateur d'opérette" et du régime fasciste. Or, ce régime, aujourd'hui, est plus solide que jamais, et seuls quelques rêveurs incorrigibles croient à la possibilité d'une revanche victorieuse de l'extrême gauche en Italie. Hitler, secondé par ses 300.000 chemises brunes et les troupes plus nombreuses encore du "Casque d'Acier", tient maintenant les postes de commande. Il dispose, pour écraser le communisme, de toutes les forces de l'Etat. Son discours de mercredi au micro annonce une détermination implacable. " Les communistes, déclare-t-il, appliquent une méthode de folie et sèment des idées empoisonnées. Si quatorze années de marxisme ont pu ruiner l'Allemagne, une seule année de bolchévisme suffirait à la détruire." Cela signifie que les organisations communistes seront dissoutes et leurs cadres dispersés. Or, sans organisations, sans parades, sans troupes de chocs et sans harangues, le communisme allemand ne serait bientôt plus que l'ombre de lui-même- qu'un souvenir. Il en resterait ce qu'il demeure de l'extrême gauche italienne: quelques tribuns exilés, aigris, incapables de soulever le poids de l'indifférence générale. Les chefs du bolchévisme allemand s'en rendent parfaitement compte. Ils ne partagent nullement l'optimisme de Moscou ( dont il est fort possible, d'ailleurs, que les premières instructions aient été révisées). Ils se battent. Ils se sentent engagés dans une lutte à mort. C'est maintenant, et non pas dans cinq ou dix ans, que le sort de la révolution marxiste se décide. Si, dans les deux ou trois semaines qui viennent, elle doit capituler devant la dictature hitlérienne, son compte est réglé. Il faut donc s'attendre à voir sévir la guerre civile avec une extrême violence. L'issue n'en paraît pas douteuse. Par son arrivée au pouvoir, Hitler est revêtu, aux yeux d'un peuple naturellement discipliné, d'un prestige nouveau. On sait du reste qu'il n'est pas homme à se contenter des apparences de l'autorité. Un de ses lieutenants est au ministère de l'Intérieur, disposant ainsi de toute la police et du contrôle général de l'administration. Ce sont là des armes terribles et qui ne resteront pas sans usage. Moscou a choisi la violence et la révolution; la contre-révolution fasciste lui a répondu, dans la rue tout d'abord, et maintenant par la dictature. Celle-ci durera-t-elle ? - Assez, en tout cas, pour consommer la ruine du bolchévisme en Allemagne et préparer les voies de la restauration.

R.L.



7. Le Courrier de Genève   -  30 mars 1933

Bulletin: L'antisémitisme hitlérien

Il est difficile de se prononcer sur l'étendue des excès antisémites commis en Allemagne depuis l'instauration de la dictature hitlérienne. Cependant, des témoignages précis et indiscutables permettent d'affirmer qu'il y a une forte explosion de haine contre les Juifs et de graves sévices. Il fallait s'y attendre. Un des thèmes principaux de la démagogie raciste a été l'antisémitisme. Besoin pour la race germanique - si mélangée pourtant, comme toutes les "races" européennes - de se poser en s'opposant. La haine du Juif a été l'ersatz hitlérien de la haine communiste du "bourgeois". Nous n'approuvons ni l'une, ni l'autre. D'abord, parce que la charité chrétienne nous interdit d'épouser d'autre haine que celle du mal. Mais le Juif, c'est le mal ! diront quelques exaltés. Diversion facile, qui permet à trop de chrétiens défaillants, à trop d'"aryens" tarés, de battre leur coulpe sur la poitrine d'autrui. D'autre part, nous ne saurions oublier que l'hitlérisme, par la voix de ses théoriciens, est allé jusqu'à réclamer la suppression de l'Ancien Testament, qu'il a manifesté contre la Croix une haine singulière, qu'il a traité la charité et la pitié de maladies sociales, et qu'à mainte reprise il s'est montré fortement hostile au catholicisme. Outrances, dira-t-on, que l'épreuve du pouvoir éliminera. Nous le voulons croire.

Est-ce à dire que certaines formes de l'influence juive - ploutocratiques ou révolutionnaires - ne soient funestes et qu'il ne faille les combattre ? Nullement. Mais cette "mise en place" doit se faire dans le cadre d'une réforme générale, sans que la haine y intervienne et sans que les personnes soient molestées. Les Juifs - ils ne sont pas les seuls - ont mis à profit les faiblesses et les tares de la société libérale pour accroître leur influence financière et politique. Ils apparaissent particulièrement redoutables à cause de leur savoir-faire, de leur souplesse, de leur subtilité. C'est qu'aussi bien ils nous arrivent d'Orient, triés par de lentes migrations. Ceux qui parviennent jusqu'à nous forment aisément dans nos pays une élite, qui a retenu la leçon de la misère et du malheur, et qui est fortement aguerrie. Joignez à cela qu'ils ne sont pas solidaires de nos destinées chrétiennes, et que depuis fort longtemps ils ont une place prépondérante dans le commerce de l'argent. Ces diverses circonstances, d'ordre religieux, racial, économique, social, etc., font que les Juifs ont pris dans nos sociétés occidentales, malgré leur nombre restreint, une influence excessive. L'économie libérale, par son "laisser faire", leur a ouvert toutes les voies. Elle a mis entre leurs mains l'arme redoutable de la société anonyme. Cette économie, antichrétienne et inhumaine, s'est doublée d'un relâchement politique qui a ouvert toutes les écluses de l'agitation révolutionnaire. La "volonté de puissance" d'Israël s'est aussi donné carrière dans cette direction. Le fondateur du communisme "scientifique" est un Juif. Les intellectuels juifs ont joué partout un rôle de premier plan dans l'organisation de la révolution sociale, dans la propagande d'extrême-gauche. Il demeure entendu qu'une foule de "chrétiens" ont pris les mêmes chemins, ont usé des mêmes armes que ces Juifs-là; et que d'autre part beaucoup de Juifs ne sont pour rien ni dans la ploutocratie ni dans la révolution. Mais, dans la ploutocratie comme dans la révolution, les Juifs ont émergé. A tel point qu'ils donnent souvent l'impression d'être les "maîtres du monde". De là est venue, et non pas seulement en Allemagne, la réaction antisémite.

Aux excès antisémites, les Juifs anglais et américains ont répondu par le boycott des produits allemands. Hitler réplique par le boycott des magasins juifs en Allemagne. D'autre part, les Juifs révolutionnaires s'efforcent d'ameuter l'opinion mondiale contre l'Allemagne hitlérienne. Le professeur Einstein, qui se laissait mettre complaisamment en vedette dans les manifestes du bolchévisme international, redécouvre soudain les épines de la dictature et les roses de la démocratie libérale.

Que peut-il sortir de cette lutte ? - L'hitlérisme s'y engage à fond, et il est solidement armé. En cherchant à le désarçonner, les Juifs ne feront que l'exaspérer, et que retarder une "normalisation" nécessaire.

Le fascisme a su éviter cet écueil. Il a opéré la "mise en place" des éléments juifs par une réorganisation générale de l'économie qui restreint considérablement le jeu de la ploutocratie, et par l'établissement d'une discipline politique qui coupe court à l'agitation révolutionnaire. Il n'a pas dénié aux Juifs le droit de vivre et d'agir dans les limites de cet ordre. On n'a pas entendu parler de persécutions sanglantes. C'est la bonne solution. C'est elle qui doit, après une lutte qu'on devrait s'efforcer de part et d'autre d'abréger, prévaloir également en Allemagne.

R.L.



8. Le Courrier de Genève   -   5 avril 1933

Bulletin: Le judaïsme contre l'Allemagne ?

Nous assistons en ce moment à une formidable levée de boucliers contre l'Allemagne. Les Juifs mettent en oeuvre toute l'influence dont ils disposent sur la grande presse et sur les agences - et ce n'est pas peu dire ! - pour tenter de désarçonner le "Führer". Nous avons dit déjà notre pensée sur les excès antisémites commis en Allemagne. Nous ne les approuvons d'aucune manière. Nous n'avons jamais admis, nous n'admettrons jamais qu'on moleste des hommes, qu'on leur fasse subir de graves sévices, parce qu'ils appartiennent à telle ou telle race. Le cardinal Verdier vient d'élever contre de tels agissements une juste protestation. Nous estimons qu'il est toujours possible, lorsque c'est nécessaire, de réduire l'influence financière ou politique des Juifs - quand elle nuit au bien commun et à l'ordre national - sans recourir à de telles violences. Il se trouve que le racisme allemand a fait de l'antisémitisme la "base sentimentale" de son programme. C'est une erreur que le fascisme italien a su éviter, tout en traçant en fait de justes limites à l'influence juive.

Nous pensons, cependant, qu'on se trompe lourdement en cherchant par tous les moyens à aggraver, à envenimer ce conflit. Il est clair qu'une bonne partie de la grande presse américaine, anglaise et française tente de mobiliser l'Internationale juive contre le nouveau régime allemand et cela pour des fins politiques qui n'ont pas de rapports avec les intérêts de l'humanité. Quand on persécutait les catholiques au Mexique et en Espagne, la plupart de ces journaux gardaient une étonnante discrétion. Ils faisaient, ou peu s'en faut, la conspiration du silence. Tels d'entre eux s'appliquaient même à démontrer, avec les précautions d'usage, qu'en somme les catholiques ne l'avaient pas volés ! Aujourd'hui, les colonnes du Temps, par exemple, sont encombrées d'une hâtive littérature qui tend à ameuter l'opinion mondiale contre l'Allemagne hitlérienne. On fait un sort aux moindres manifestations. C'est là un zèle fort remarquable, surtout si l'on considère la paralysie du Temps, et des journaux de ce genre dans tous les pays, vis-à-vis des ravages de la ploutocratie internationale où l'influence juive joue un rôle prépondérant. Mais tout s'explique si l'on se rappelle que la grande presse, à peu d'exceptions près, est étroitement liée à cette même ploutocratie.

Quoi qu'il en soit, c'est rendre un très mauvais service aux Juifs allemands eux-mêmes que de faire dépendre leur sort d'un combat sans merci entre le judaïsme international et la dictature hitlérienne. Plusieurs organisations juives d'Allemagne le déclarent de la manière la plus énergique et la plus explicite. L'Union des anciens combattants juifs du Reich entre autres, a adressé à l'ambassade des Etats-Unis à Berlin une lettre dont nous extrayons ce qui suit:

Nous avons eu connaissance de la propagande qui se fait dans votre pays contre les prétendues atrocités commises contre les Juifs en Allemagne. Nous considérons comme de notre devoir non seulement dans l'intérêt de la patrie, mais encore dans l'intérêt de la vérité, de dire notre avis sur ces événements. Des mauvais traitements ont été infligés, des excès ont été commis, et nous voulons moins que personne les minimiser. Mais de tels excès sont inséparables de tout bouleversement. Nous tenons à affirmer que dans tous les cas dont nous avons eu connaissance les autorités sont énergiquement intervenues contre tout excès, dans la mesure où leur intervention était possible.

La lettre conclut en "repoussant l'irresponsable campagne anti-allemande à laquelle se livrent à l'étranger de prétendus intellectuels juifs". On pourrait citer plusieurs documents analogues. Faites là-dedans la part d'un certain opportunisme. Il reste que les Juifs allemands ne désirent certainement pas que le conflit vienne à s'envenimer davantage.

Le boycottage des magasin juifs en Allemagne a été suspendu dimanche. Il reprendra aujourd'hui à 10 heures si, à l'étranger, les manifestations anti-allemandes continuent à se multiplier. Le gouvernement hitlérien ne tient évidemment pas à prolonger une lutte dont il entrevoit déjà les dures répercussions économiques. Le problème juif ne peut pas être résolu par la persécution. Mais si l'on prétend contraindre Hitler à "capituler devant l'opinion étrangère", selon l'expression du Temps, on ne réussira qu'à surexciter les passions. Et les Juifs tenus pour responsables de cette pression étrangère en pleine effervescence nationaliste, seront mis de jour en jour en plus pénible posture par le zèle excessif d'"amis" mal avisés.

R.L.



9. Le Courrier de Genève   -  11 juillet 1933

Bulletin: Vers l'apaisement ?

Le concordat entre le Saint-Siège et l'Allemagne a été paraphé samedi à Rome. Bien que le texte officiel n'en soit pas encore connu, les commentaires de la presse vont déjà bon train. "Un fait est acquis, écrit la Gazette: le Vatican abandonne le Centre à son sort."

Notre confrère croit que la menace hitlérienne de créer une Eglise nationale allemande a pu alarmer le Saint-Siège:

N'est-il pas permis de croire que le Saint-Siège, qui a pour le schisme une répulsion toute particulière, a voulu à tout prix prévenir ce malheur ?...Ce qui est certain c'est que, sous l'influence d'un pape hautement conciliant, il a préféré, plutôt que de s'engager dans un conflit, s'adapter à une situation nouvelle pour sauver ce qui peut encore être sauvé.

Il est certainement permis de croire... Car la mission de l'Eglise, c'est de préserver le troupeau dont elle a la garde de tous les périls qui le peuvent menacer. Nous ne pensons d'aucune manière que la majorité des catholiques allemands eussent prêté la main à un schisme nationaliste. Mais l'opinion est fiévreuse. La jeunesse surtout peut céder à un entraînement dont les conséquences seraient funestes. Si l'Eglise sacrifiait quelque chose d'essentiel, on pourrait certes dénoncer son opportunisme. Elle renonce simplement à demander le maintien d'un parti qui s'est lui-même dissous. Or, l'Eglise n'est en rien liée au sort d'un parti. Le régime des partis peut disparaître pour faire place à un ordre nouveau sans que la doctrine catholique en soit offusquée. Et cela, les catholiques allemands qui adhéraient au Centre le comprendront parfaitement. Un parti peut servir l'Eglise. Il ne saurait demander, si les circonstances exigent qu'il s'efface, que l'Eglise sacrifie des intérêts spirituels supérieurs pour assurer son maintien. Tous les catholiques l'entendent ainsi sans qu'il soit besoin d'insister. Cela ne signifie pas que le sacrifice du Centre ne puisse être singulièrement pénible au coeur de bien des catholiques.

Va-t-on vers l'apaisement ? Le chancelier Hitler, en tous cas, s'efforce de modérer l'action des éléments extrémistes. Déjà, au lendemain des événements de Munich, nous l'avons vu désavouer les excès commis. Depuis la dissolution du Centre, il a pris des mesures d'amnistie en faveur des ecclésiastiques arrêtés ces temps derniers pour des faits politiques, et il a autorisé la reconstitution de certaines organisations catholiques n'ayant pas de caractère politique et qui furent dissoutes par abus.

Le Temps écrit à propos du concordat:

"Il est dans les traditions du Saint-Siège d'adapter dans la mesure du possible sa politique à tous les régimes, quels qu'ils soient, établis dans les pays où l'Eglise a des intérêts religieux à défendre. Cela ne signifie pas que le Vatican apporte un appui moral à ces régimes, mais simplement qu'il s'efforce de s'accommoder de ce qui existe en sauvegardant ses propres intérêts."

Nous pouvons souscrire à cette opinion. L'Eglise n'entend pas imposer ou prescrire tel ou tel régime. Elle demande à tous de respecter les droits de la religion. Encore fait-elle preuve, en temps de crise politique, d'une patience qui laisse la porte ouverte à toute entente équitable. Le régime hitlérien vient d'en faire l'expérience. Si réellement il rend justice aux catholiques quant à leurs droits essentiels, pourquoi le Saint-Siège garderait-il contre lui une attitude de combat ? Le concordat est paraphé. Lorsqu'il sera définitivement conclu, et mis en oeuvre, nous pourrons juger de la bonne foi et de la bonne volonté du gouvernement du Reich.

Le Travail a cru triompher en soulignant ce qu'il prétend être nos variations concernant l'hitlérisme. A la pauvre argumentation de M. Ehrler, nous répondons simplement ceci: nous revendiquons le droit de juger diversement les actes divers du régime hitlérien. Nous approuvons ceci, nous réprouvons cela. Encore faut-il bien entendre que nous sommes tributaires d'une information souvent douteuse et contradictoire. Les doctrines du nazisme, au point de vue chrétien, nous paraissent dangereuses. Les actes du régime sont forts variables. Sur leur teneur même, nous n'avons que peu de données certaines. En présence de ce phénomène énorme et complexe qu'est la révolution hitlérienne, nous revendiquons le droit d'hésiter, de nous tromper parfois, de rectifier, de chercher à dégager le vrai du faux. Quand l'hitlérisme aura seize ans d'existence, comme le bolchévisme, les jugements seront plus assurés. De notre attitude, M. Ehrler croit pouvoir conclure que nous ne sommes pas des gens sûrs, et que le peuple aurait bien tort de nous faire confiance. Nous serions beaucoup moins sûrs si nous avions la prétention de formuler aujourd'hui un verdict définitif sur un régime qui est encore à pied d'oeuvre. Quant à la sécurité du socialisme, on peut toujours en demander des nouvelles aux ouvriers italiens et allemands.

R.L.



10. Le Courrier de Genève   -  18 août 1933

Bulletin: Racisme

Pour avoir le droit d'être fonctionnaire dans l'administration du troisième Reich, il faudra désormais prouver, non seulement que l'on est pas juif, mais que l'on a une ascendance aryenne. Malheur à vous si votre grand-père ou votre grand-mère fut de race juive, même s'ils se sont convertis ! Vous serez exclus des emplois d'Etat et, comme la plupart des professions libérales sont fermées aux israélites, comme les bons Aryens ne doivent plus, sous peine d'être suspects, trafiquer avec les juifs, il ne vous restera plus qu'à chercher le meilleur moyen de subsister, sans gagner de quoi vivre, sous le régime national-socialiste.

Hitler au pouvoir applique sa doctrine et la pousse jusqu'à ses plus absurdes conséquences. Mais le racisme, qui est l'un des principaux éléments de la doctrine nazi, ne vise pas seulement à l'exclusion des juifs de la vie publique. Le racisme est basé, avant tout, sur la supériorité de la race germanique sur les autres. Pour être bien vu, il convient donc de se rapprocher autant que possible du dolychocéphale blond, aux yeux bleus, type idéal du Germain pur sang.

Un journal allemand recommandait aux hommes de bonne race d'éviter soigneusement les femmes méditerranéennes, définies comme étant de peau brune, de tronc long, de jambes courtes, de cheveux noirs et de lèvres charnues.

On aime à se représenter l'attitude d'un Goethe - dont les nazis célèbrent pieusement la mémoire - devant ces prétentions des Allemands de notre temps et le rire homérique avec lequel il eut accueillit leur tirade sur l'infériorité des races méditerranéennes; lui qui était allé boire aux sources de la civilisation gréco-latine, avec le ravissement d'un poète qui découvre la vie. Et qu'aurait pensé Frédéric-le-Grand - der grosse Fritz - de ce décret interdisant aux restaurants de porter un nom étranger sur leurs cartes, alors que, sous son règne, on ne parlait que français à la cour de Prusse, personne n'ignorant que le souverain tenait l'allemand pour une langue à l'usage de ses valets d'écurie ?

Mais l'esprit est mort dans l'Allemagne hitlérienne et la statue du poète Henri Heine, remisée dans un hangar sur l'ordre du Sénat de Hambourg, n'avait plus rien à faire, dans ce morne troisième Reich qu'il eût criblé de ses flèches.

Avec des idées aussi arrêtés sur les vertus du sang germanique, de quel mépris les hitlériens ne couvrent-ils pas les races jaune et noire ! On se demande même pourquoi l'Allemagne tient tant à recouvrer ses colonies perdues. Que ferait l'Aryen au milieu de ces peuplades africaines ou asiatiques, et ne risquerait-il pas d'y corrompre ce sang germanique dont il est si fier ?

Le fascisme, qui a développé à un rare degré l'orgueil de la race chez les Italiens, n'a pas été jusque là. Il est vrai qu'il appartient aux catégories méditerranéennes, donc inférieures et évitables aux yeux des purs Aryens. Mais alors pourquoi ces blandices envers M. Mussolini, ces réceptions de "balillas" et d'"avangardistes" en Allemagne, c'est envoi d'un lion au Duce par la ville de Leipzig ? Pourquoi copier, en le vantant, le fascisme dans ce qu'il a fait de mieux au point de vue politique et économique, si l'on déclare ensuite que rien de bon ne peut venir de ceux qui habitent au bord de la Méditerranée ?

Vraiment, le racisme est une drôle de doctrine. M. Mussolini, qui ne doit pas mal s'amuser de ces folies de l'Allemagne hitlérienne, n'a jamais prescrit à ses fascistes de se garder des filles aux cheveux couleur de blé mûr et aux yeux d'azur. Il sait que le Germain viendra toujours à Rome, attiré par ce centre de la civilisation, mais que le Méditerranéen n'éprouve pas le besoin d'aller s'instruire aux bords de la Baltique ou de la mer du Nord. Le sable du Lido est tout de même plus intéressant à fouler que les dunes de Poméranie.

On est en droit de présumer que, dans l'Allemagne raciste, il n'y aura pas embouteillage de missionnaires. Quel Aryen voudra sacrifier sa vie et verser son noble sang pour le salut de peuplades inférieures ? L'ordre de prêcher l'Evangile à toutes les nations et de mettre toutes ses forces au service des ignorants et des païens, fussent-ils de peau jaune ou noire, ne peut être validement compris par des racistes. Aussi n'y a-t-il pas de plus grande contradiction qu'entre leur doctrine et celle de l'Evangile. Celle-là est aussi éloignée de la Parole divine que la Croix du Christ l'est de la croix gammée.

H.S.



11. Le Courrier de Genève   -  6 mai 1934

Bulletin: Le Concordat autrichien

Le Concordat entre le Saint-Siège et l'Autriche, signé l'an passé, et qui vient d'entrer en vigueur, est un document important. Il inscrit dans l'histoire, de même que la Constitution de l'Autriche nouvelle, la volonté des gouvernants de ce pays de restaurer un Etat chrétien. C'est un bel exemple donné aux nations déchristianisées qui, autrement favorisées que l'Autriche, au point de vue matériel, n'ont pas trouvé dans leur laïcisme de quoi restaurer leur autorité morale.

On pourrait également mettre en parallèle le présent concordat avec celui qui a été signé, en 1933, par l'Allemagne hitlérienne. Celle-ci s'est empressée de le trahir, au lendemain de son entré en vigueur. Ainsi apparut très vite ce que beaucoup avaient craint: à savoir que les dirigeants du troisième Reich avaient simplement cherché à lier les catholiques à leur cause. Mais, au lieu de respecter le ministère du clergé, comme ils s'y étaient engagés, ils ont fait emprisonner ou condamner des prêtres qui n'avaient fait qu'user de leur droit en mettant les fidèles en garde contre les hérésies doctrinales qui sévissent en Allemagne, où un Rosenberg est chargé par Hitler de donner aux citoyens une conception du monde basée sur un paganisme ridicule!

Les évêques sont menacés, leurs relations avec le peuple catholique entravées. La presse et les associations catholiques sont supprimées ou ne peuvent fonctionner normalement, alors que la liberté dans le domaine religieux avait été solennellement garantie.

Le concordat autrichien ne laisse aucun de ces points: droit d'association, protection du clergé dans l'exercice de son ministère, liberté de la presse, dans l'ombre.

[..] Sur chacun, il apporte toute satisfaction à l'Eglise, en évitant la moindre équivoque. On sent que, cette fois, de part et d'autre, le concordat a été signé par des hommes sincères et n'ayant en vue que le bien spirituel de la nation en cause - et sachant, par là même, qu'ils assurent une base solide au nouvel Etat.

Des clauses capitales du concordat sont celles qui concernent l'enseignement et le mariage.

L'enseignement religieux est rendu obligatoire dans toutes les écoles. L'Eglise en est chargée (pour les catholiques, cela s'entend). Elle peut elle-même diriger ou fonder des écoles, en les confiant soit au clergé séculier, soit aux congrégations. Non seulement elle en a le droit, mais pour chaque maison d'enseignement entretenue par l'Eglise, elle recevra une subvention, dans la mesure où elle déchargera l'Etat de sa tâche enseignante.

Comme l'Italie, l'Autriche reconnaît au mariage contracté à l'église les effets civils. Plus besoin de la cérémonie surérogatoire devant l'officier d'état-civil ou le maire, instruments innocents d'une législation inique ! En ce qui concerne l'annulation ou la dispense matrimoniale, la compétence des tribunaux ecclésiastiques est également reconnue.

L'Etat autrichien protégera, en leur assurant une entière liberté, l'organisation et l'activité des associations ayant un but principalement religieux et se rattachant à l'Action catholique. (En Allemagne, on parle de supprimer l'Action catholique tenue pour suspecte au même rang que la franc-maçonnerie !)

Non seulement les associations de jeunesse catholiques (honnies par l'Allemagne hitlérienne) sont favorisées, mais l'Etat autrichien s'engage à veiller à l'éducation religieuse et morale, selon les principes de l'Eglise, des catholiques faisant partie d'organisations juvéniles instituées par l'Etat.

Au moment où le national-socialisme déclare la guerre à une presse catholique agonisante, le concordat autrichien précise qu'en Autriche la presse ne sera soumise à aucune limitation dans la défense de la doctrine catholique.

Si le concordat allemand ne vaut plus qu'on en parle, celui que le gouvernement Dollfuss a signé mérite d'être placé en tête des accords du même genre, passés ou présents.

H.S.



12. Le Courrier de Genève   -  27 mai 1934

p.1: Les Juifs et nous

[publication de la deuxième lettre de Paul Dreyfus, un paragraphe, puis:]

Néanmoins, dans la tourmente de ce temps, il est quelque chose qu'il faut dire à la Nation juive. Je considère qu'il est chimérique de poursuivre l'assimilation complète des Juifs. D'esprit et de sang, ils sont une nation. Comment leur en ferais-je grief? Mais j'estime qu'il est de mon devoir de leu dire: Prenez garde ! Deux Juifs célèbres, Bernard Lazare et Werner Sombart, témoignent du rôle très grand que jouent les Juifs dans la finance et dans la révolution internationales. Il ne s'agit pas là d'un rôle épisodique, comme celui d'un Arthur Meyer ou d'un Disraëli. Il s'agit d'une action puissante, massive, continue, qui procède dans les deux cas du même souci. Par le matérialisme de l'or, par le matérialisme révolutionnaire, ces Juifs pensent créer un univers où rien ne leur soit plus étranger, où leur "volonté de puissance" se donne libre cours. Chez Israël, comme dans toute nation, il y a des tendances impérialistes. Du fait de la dispersion, elles ne peuvent se manifester sur le plan territorial. Elles sont nécessairement internationales et l'on ne saurait nier qu'elles éclatent avec une singulière virulence dans la finance comme dans la révolution. Ce n'est pas là l'essence du judaïsme? Possible. Ce n'en est pas moins une manifestation de l'influence juive que nous avons le devoir de dénoncer, et contre laquelle les Juifs sensés doivent vigoureusement réagir

*

M. Dreyfus nous parle de certains Juifs "convertis". En même temps, avec une louable franchise, il déclare que ces conversions étaient commandées par l'ambition de jouer un rôle politique prépondérant. Voilà qui est singulièrement inquiétant! On n'entre pas dans l'esprit de nos traditions par de telles manoeuvres. Je ne puis ici parler de Disraëli, faute d'une connaissance assez approfondie de son action. Mais je tiens Arthur Meyer pour un des fossoyeurs - sans doute inconscient - du royalisme français dont il avait fait une fadaise académique, un article de salon. (Je connais des Juifs véritablement convertis, et je doute que M. Dreyfus leur soit indulgent...) Si nous trouvons tant de Juifs dans le camp du matérialisme et de l'athéisme militants, ne sommes-nous pas fondés à croire que ceux-là veulent détruire la religion pour entrer de plain-pied dans les "rôles prépondérants" de la politique et du pouvoir, sans cette comédie de conversion dont M. Dreyfus nous parle? Nous sommes ici au coeur du problème, et je vais, sans doute, hérisser mon contradicteur...Je pense, en effet, que si les Juifs doivent être respectés dans leurs convictions religieuses et dans leur dignité humaine, il ne saurait être question d'aucune manière de leur confier les hauts postes du gouvernement en pays de chrétienté. Cela pour la simple raison, je le répète, qu'il leur est impossible de s'assimiler entièrement, quel que soit leur attachement à leur patrie d'adoption et leur loyalisme civique. Ils ont ailleurs un "foyer national", une patrie, ils ont leurs propres traditions. L'affreuse tourmente où l'Europe se débat, nous l'imputons à la déchristianisation de la société moderne. Il s'agit de rebâtir un ordre chrétien. Il va bien de soit que ce sont des chrétiens qui doivent prendre la direction de cette oeuvre rénovatrice.

Dans les voies de la finance internationale et de la révolution, un grand nombre de Juifs ont singulièrement compromis le destin de leur race, de leur nation. Cela explique la réaction antisémite, sans en justifier les erreurs ou les excès. La "mise au point" de l'influence juive est une nécessité absolue. Si les Juifs sensés refusent de le comprendre, je crains bien que le choc brutal des événements ne vienne ne les en instruire.

R.L.



13. Courrier de Genève   -  3 juillet 1934

Bulletin: Où va le Troisième Reich ?

On est tenté de répondre : il ne va pas, il s'en va... Ne nous pressons pas de conclure. Suivre les événements, disait Péguy, c'est le meilleur moyen de se convaincre qu'ils ne nous suivent pas. Au lendemain de l'assassinat de Matteotti, toute la presse antifasciste sonna l'hallali de la dictature italienne. Depuis lors, faute d'événements sensationnels, les moindres incidents nous ramènent cette rengaine. Le régime des faisceaux est toujours debout. Qu'on l'admire ou qu'on l'abhorre, c'est un fait que nulle passion partisane ne modifiera. Hitler n'est pas Mussolini, nous dira-t-on, et l'Allemagne n'est pas l'Italie ! Bien entendu, mais il y a d'évidentes analogies. Si un régime aussi mou, aussi mal charpenté, aussi mal défendu que celui de Weimar a pu subsister pendant quatorze ans, il est difficile d'admettre qu'une dictature pourvue d'un formidable appareil policier puisse s'écrouler en quelques jours. Tout dépend de la trempe du chef ! Or, il ne semble pas douteux, aujourd'hui, que Hitler soit le maître de la situation. Un communiqué officiel déclare que " vingt-quatre heures ont suffi pour rétablir l'ordre et la tranquillité en Allemagne ".

L'effet de cette brutale " opération de nettoyage " sera-t-il durable ? Ou bien le complot noyé dans le sang répond-il à un profond mouvement d'opinion, qui bientôt provoquerait de nouveaux troubles ?

Il est manifeste que M. von Papen, par son discours de Marburg, a tenté d'émouvoir l'opinion, de la préparer aux événements qui allaient suivre. Il n'a pas trouvé d'échos. Il est même surprenant qu'un politique aussi averti ait tenté une manoeuvre pareille, qui ressemble à la frasque d'un écolier en l'absence du maître. Cette " contre-révolution " n'a été qu'une maladroite ébauche de coup d'Etat. Certains journaux veulent y voir un épisode de la lutte entre le clan Goering et le clan Goebbels. Cependant, on constate aujourd'hui que Goering et Goebbels rivalisent de zèle pour soutenir le chancelier... D'autres ont cru que la Reichswehr suivrait le général von Schleicher ; elle est maintenant le plus ferme appui du régime ! Du flot d'informations contradictoires, on peut conclure qu'il y avait des mécontents à l'extrême-droite comme à l'extrême-gauche : chez les nationalistes " bourgeois " comme chez les nazis socialisants. Ces deux clans n'ont aucun programme commun : si le complot avait réussi, l'Allemagne serait aujourd'hui en proie à la plus terrible des guerres civiles. Qui pouvait tirer les marrons du feu ? - Moscou. La synthèse du national et du social tentée par Hitler, si elle peut être critiquée dans ses méthodes et dans certains de ses principes, reste pour l'Allemagne une nécessité vitale. Il semble bien, au surplus, que les masses l'aient compris : il n'y a pas eu de soulèvements populaires.

Pour Hitler, l'avertissement n'en est pas moins solennel. Son oeuvre nationale et sociale est assez ardue, assez complexe pour qu'il évite de se créer gratuitement des soucis d'un autre ordre. Nous voulons parler surtout de la politique religieuse du régime, où, depuis quelques mois, l'odieux le dispute au ridicule. A droite comme à gauche, l'hitlérisme a recruté rapidement des millions d'adhérents. Il ne les a pas assimilés. Sa doctrine est vague et médiocre. En cherchant à superposer aux religions une sorte de paganisme raciste, il n'a nullement réussi à donner au peuple allemand une véritable discipline spirituelle. En Italie, Mussolini a eu la sagesse de comprendre qu'on ne fabrique pas une religion. Hitler paraissait disposer à l'imiter, mais il n'a pas eu la main assez ferme à l'égard de certains de ses lieutenants dont l'antichristianisme se faisait de plus en plus agressif. Au aussi bien du côté catholique que du côté luthérien, l'Etat pouvait compter sur un complet loyalisme tant qu'il n'outrepassait pas ses droits. Une funeste mégalomanie l'a poussé à régenter le spirituel comme le temporel. S'il n'abandonne pas de pareilles prétentions, son oeuvre sera rapidement frappée de caducité.

R.L.



14. Courrier de Genève   -  25 août 1934

Bulletin: Hitler a-t-il compris ?

Une dépêche de Berlin - que le Figaro intitule " Adolf Hitler en route pour Canossa "- nous apprend que " le gouvernement du Reich envisagerait de donner satisfaction aux exigences du Vatican, sur certaines questions qui étaient controversées et d'où avaient résulté de graves frictions entre le national-socialisme et les milieux catholiques. "

" Il s'agit particulièrement, ajoute la dépêche, de l'éducation de la jeunesse catholique et des organisations catholiques. "

" Le résultat des négociations entre les représentants du gouvernement allemand et l'épiscopat a été soumis, il y a quelque temps déjà, à l'approbation du Vatican. Celui-ci n'a pas encore fait connaître sa réponse. Il se pourrait que les résultats défavorables du récent plébiscite dans les régions catholiques ne soient pas étrangers à cette attitude conciliante du gouvernement du Reich. Dans beaucoup de milieux nationaux-socialistes, on estime du reste que le chancelier à mieux à faire que de compromettre sa popularité pour des querelles religieuses. "

Hitler a-t-il enfin compris que la position qu'il a prise dans le domaine religieux - sous la pression des éléments néo-païens de son parti - est absurde autant qu'odieuse ? Souhaitons-le. Si la presse marxiste n'existe plus en Allemagne, les revues " wotaniques " pullulent. Les évêques allemands, dans leur lettre collective du 7 juin, ont solennellement dénoncé cette invasion... "Si, disent-ils, au mépris des mystères divins du christianisme, au mépris des bienfaits de la civilisation chrétienne, l'on revenait aujourd'hui, comme le préconisent les tenants du néo-paganisme, à la déification païenne de la nature, au culte des forces naturelles, ce serait un recul dont on ne saurait surestimer les dangereuses répercussions ; ce serait rompre avec ce qu'il y a de meilleur dans notre tradition nationale. "

Les efforts du régime pour étouffer la protestation de l'épiscopat n'ont fait qu'augmenter l'indignation des fidèles, qui s'est traduite, lors du récent plébiscite, par une augmentation massive de non dans les régions catholiques. Les champions de l'Etat " totalitaire " se heurtent là - et c'est fort heureux - à une puissance spirituelle inébranlable. Le marxisme a perdu toute influence dans la masse allemande. L'Eglise luthérienne, après avoir élevé de courageuses protestations, a été peu à peu réduite au silence. Ainsi se vérifie, une fois de plus, la parole de l'historien protestant lord Molesworth : " Dans la religion catholique, avec son chef suprême de l'Eglise qui est à Rome, il y a un principe d'opposition à un pouvoir politique illimité. "

Hitler a suivi les traces de Bismarck. Mais, comme le " chancelier de fer ", il doit se rendre compte aujourd'hui que le Kulturkampf est pour l'Etat une mauvaise entreprise. Il se fût épargné beaucoup de difficultés en appliquant loyalement le Concordat. Il n'en pouvait résulter aucun dommage pour l'Etat, dont l'Eglise, nulle part, n'a jamais affaibli la légitime autorité. Bien au contraire !

" Nos jeunesses catholiques, disent encore les évêques allemands, sont persécutées dans de nombreuses régions, même lorsqu'elles se consacrent uniquement à l'affirmation de leur foi au Christ et se bornent à rester fidèles aux associations bénies par l'Eglise, auxquelles, d'ailleurs, la protection de l'Etat a été solennellement garantie. Responsables du troupeau du Seigneur, nous ne saurions nous taire devant l'attitude de certains milieux forts influents qui n'hésitent pas à transgresser ouvertement les décisions de notre gouvernement et à contrecarrer ses volontés, pour mieux porter atteinte à notre foi, pour mieux en détruire les racines dans le peuple allemand. "

Hitler est-il résolu à mettre fin à cet état de choses ? Il dispose maintenant d'un pouvoir absolu. Puisse-t-il, après tant d'erreurs, en user sagement !

R.L.



15. Le Drapeau rouge   -  4 février 1933

p.1: Hitler au pouvoir ! Le parti communiste lance un appel à la grève générale

Coup sur coup, à la fin de la semaine dernière, le gouvernement français et le gouvernement allemand étaient renversés: Boncour et Schleicher étaient terrassés, après moins de deux mois de règne, par les problèmes financiers et économiques que la crise rend de plus en plus insolubles pour la bourgeoisie si elle ne recourt pas à une dictature fasciste ouverte.

En Allemagne, Hindenburg, - l'élu des socialistes- vient de remettre le pouvoir, le plus "démocratiquement" du monde, à Hitler.

Il apparaît que le général Schleicher, le général "social" qui avait trouvé l'appui des chefs syndicaux réformistes, n'avait été hissé au gouvernement que pour permettre à l'impopulaire Papen, l'homme de confiance du président Hindenburg, de préparer dans la coulisse la coalition de toutes les forces réactionnaires et nationalistes allemandes sous la direction du chef des fascistes, Hitler.

Les gouvernement est constitué des représentants du "Casque d'acier", du Parti national allemand, - le vieux parti des Hohenzollern,- et du Parti fasciste. Il n'aura de base parlementaire que si le Parti catholique du Centre le tolère, mais un tel gouvernement est prêt à exercer le pouvoir aussi sans Reichstag ou contre le Reichstag.

La constitution de Weimar est le cadet des souci de toute l'équipe gouvernementale.

Le fascisme s'installe au pouvoir ! Le rôle de la socialdémocratie allemande apparaît comme le parti qui par toute sa politique des 15 dernières années a frayé la voie au fascisme. La socialdémocratie n'a pas été dupe du vieux maréchal Hindenburg. Elle n'a pas été trahie et joués par lui. Elle a, par sa politique du moindre mal et par sa lutte acharnée contre le Parti communiste et sa tolérance à l'égard du mouvement de Hitler, par toute sa politique contre-révolutionnaire active, de Noske à Zoergiebel et Severing, endormi, chloroformé et désarmé la classe ouvrière, tandis qu'elle préparait le triomphe de la réaction fasciste.

Mais il serait faux de croire que l'arrivée au pouvoir des fascistes signifie que la classe ouvrière allemande est battue et qu'elle va subir le sort du prolétariat italien. Il ne faut pas se hâter de tirer des analogies trop faciles et superficielles entre la prise du pouvoir par Mussolini et l'arrivée au gouvernement de Hitler. A côté de certains points de ressemblance, il y a des différences fondamentales que nous devons souligner dès maintenant parce qu'elles permettent de comprendre le développement des événements en Allemagne.

Premièrement: le moment historique est très différent. Mussolini a pris le pouvoir en 1922 c'est-à-dire au moment où la vague révolutionnaire d'après-guerre subissait un recul, où commençait la stabilisation relative du capitalisme. Il avait donc devant lui quelques années de consolidation précaire de l'économie capitaliste dans un pays sorti vainqueur de la guerre.

Hitler arrive en pleine crise du capitalisme, dans un pays affaibli et dépouillé par la paix de Versailles, où la crise sévit avec une particulière intensité. Mussolini pouvait manoeuvrer, offrir quelque chose aux masses de petits paysans et de petits bourgeois qui le suivaient. Hitler ne pourra rien donner aux masses de petits paysans, de petits bourgeois et de chômeurs qui l'ont hissé au pouvoir, au contraire, il devra réaliser la politique économique des gros propriétaires fonciers, des gros industriels et du capital financier aux dépens des masses.

Deuxièmement, et cela est plus important encore, la classe ouvrière allemande n'est pas battue. Quand Mussolini a pris le pouvoir, le prolétariat italien avait déjà livré ses plus grandes batailles contre le fascisme et il avait été battu et ses organisations affaiblies, ses Maisons du Peuple incendiées, ses imprimeries détruites. Il se trouvait en retraite, dans la défensive.

Le prolétariat allemand n'a pas encore livré ses combats décisifs contre le fascisme. Il est en période d'essor du mouvement révolutionnaire, il est conduit par un parti communiste fort qui sait appliquer une large tactique de front unique par la base pour rassembler les forces ouvrières, tandis qu'en Italie, Bordiga menait une politique sectaire ultra-gauchiste, hostile au front unique qui isolait l'avant-garde communiste des larges masses.

Le prolétariat révolutionnaire allemand n'est pas en retraite, il attaque, le parti communiste vient de lancer le mot d'ordre de grève générale contre le gouvernement fasciste; si les chefs réformistes ne réussissent pas encore une fois à trahir le mouvement de masse, l'action formidable, disciplinée mais résolue et hardiment révolutionnaire de la classe ouvrière, unie sous la direction du Parti communiste en un formidable front unique de lutte peut amener la chute rapide de ce pouvoir fasciste. Il ne faut pas oublier non plus que la structure sociale de l'Allemagne est toute autre que celle de l'Italie, que la classe ouvrière y est infiniment plus nombreuse, mieux organisée, davantage sous l'influence communiste particulièrement à Berlin où le parti communiste est le parti le plus fort.

Le Parti fasciste lui-même n'est pas homogène. Les ouvriers, les paysans, les petits bourgeois qui le suivent ne tarderont pas à déchanter. Déjà la désagrégation se produisait dans les rangs de Hitler. Son arrivée au pouvoir va galvaniser pour un moment ses troupes et y créer des illusions d'autant plus dangereuses qu'elles ne tarderont pas à s'écrouler. Le parti communiste saura utiliser ce mécontentement pour arracher au fascisme sa base sociale de masse. Il a déjà commencé et obtenu des résultats appréciables dans cette voie, entraînant la base ouvrière de Hitler dans la lutte des classes, comme dans la grève des transports berlinois.

Toute l'attention de la classe ouvrière internationale est concentrée sur l'Allemagne et sur son parti communiste qui s'efforce de réaliser le front unique de tous les travailleurs pour la lutte révolutionnaire contre le gouvernement fasciste de Hitler.

Mais il ne suffit pas d'observer avec intérêt et sympathie, il faut dès maintenant alerter et mobiliser la classe ouvrière suisse pour aider les travailleurs allemands dans leur dure lutte, avant tout pour mener nous-mêmes une lutte parallèle contre notre propre fascisme et nos gouvernements réactionnaires.

[pas signé]



16. Le Drapeau rouge   -  28 octobre 1933

p.2: Sus aux boches !

On ne parle plus que de la guerre. De la guerre et du fascisme. Ceux qui hier encore restaient indifférents à la chose politique, ne le sont plus aujourd'hui. Parce que la "grande presse" les familiarise grand train avec cette idée. Ce ne sont que nouvelles sensationnelles, plans de l'Etat-major allemand, révélations d'Augure et par exemple dans le Moment du 18 octobre ce titre accrocheur: "Pour envahir la France par la Suisse l'armée allemande se heurterait à des difficultés insurmontables."

Minger au Conseil National pose la question: "Sommes-nous prêts?". Il y répond aussitôt: "Oui, nous le serons mais donnez-nous cent millions."

La sortie de l'Allemagne de la SDN a donné libre cours comme il fallait s'y attendre à une explosion de chauvinisme le plus abject et les milieux ouvriers eux-mêmes n'ont pas été exempts de cette contagion. Entendez ce maçon syndiqué à la FOBB qui dit: "les Français auraient bien mieux fait d'aller à Berlin en 18", ces employés de bureau qui s'exclament à la lecture de la Tribune: " Ces cochons d'Allemands qui préparent de nouveaux gaz asphyxiants."

Nous aurons fort à faire pour remonter ce courant. En France, n'en parlons pas, la vague chauvine est formidable et courageusement l'Humanité dès le premier jour la combat avec une grande vigueur: Du Paris Soir "socialiste" à l'Echo de Paris catholique ce n'est qu'un cri: "N'attendons pas ! passons à la guerre préventive..." La Tribune par l'organe de Bovet-Grisel joue aux jusqu'auboutistes: "On ne passe pas."

Il ne faut compter que sur nous-mêmes.

[...]

Nous allons au devant de temps apocalyptiques.

Il nous faut être durs. Durs avec nous-mêmes d'abord.

Beaucoup exiger des camarades.

Un Parti communiste n'est pas un club de discussion, ni un organisme électoral. C'est un instrument de lutte, le seul entre les mains de la classe ouvrière.

La guerre qui vient sera une guerre impérialiste comme toutes les autres. Elle se dissimulera comme toutes les autres sous le masque de la guerre du droit de la civilisation contre la barbarie hitlérienne, contre les Boches (style "Lutte Syndicale").

Allons donc...

La guerre doit être l'occasion pour nous de prendre le pouvoir. Expression vilipendée en ce temps d'élection mais qui reprendra toute sa valeur quand les travailleurs seront armés.

Guerre impérialiste ou guerre civile: il n'y a pas d'autre alternative. La question qui se pose n'est que de bien diriger les fusils: contre les capitalistes suisses et ceux qui les servent et contre les nazis de partout.

Simple à dire. Moins simple à faire.

[...]

V.



17. Le Genevois   -  16 août 1933

p.1 : Halte-là !

Il y a, au moment où nous écrivons ces lignes, plus de trois fois 24 heures que sept individus, faisant partie de la police auxiliaire du parti national-socialiste allemand ont, malgré que leur attention eût été attirée sur la gravité de leur acte, violé délibérément notre frontière, à l'usine des forces motrices d'Augst-Whylen, en territoire de Bâle-Campagne. A l'heure où paraîtront ces lignes, il n'est pas du tout certain que la protestation officielle et énergique qu'attendent tous les bons citoyens aura été formulée par le Département politique fédéral.1) De toute façon, cet acte officiel aura été précédé, largement précédé, d'une mise en demeure de tous les journaux patriotes. C'est le contraire qui, en pareil cas, devrait se produire.

La matérialité des faits était dûment établie quelques heures après la violation consciente et intentionnelle de notre territoire. Il fallait - question d'honneur - faire entendre immédiatement notre juste et vibrante protestation. On a rien fait et la légation d'Allemagne à Berne, qui se devait, sur l'ordre de la Wilhelmstrasse, de venir présenter des excuses spontanées au Palais fédéral, n'a pas réagi. Bagatelle de frontière, pense-t-on sans doute à Berlin. Mais où donc est notre fierté d'antan ?

Car le peuple suisse, excédé de ces provocations répétées, veut à tout prix que les organes responsables de notre politique extérieure soient les interprètes fidèles et courageux de nos sentiments d'indépendance et d'honneur national. Déjà trop longtemps on a, juge-t-il, tergiversé, "finassé" et papelardé. Il n'est que de se souvenir de la manière dont ont été réglés le cas Rossi et d'autres analogues. Il faudrait pourtant nous souvenir que la Suisse libre et ombrageusement jalouse de sa souveraineté n'est pas d'humeur à se laisser outrager et piétiner. Or, rien n'enhardit l'arrogance des provocateurs comme la faiblesse craintive de leurs victimes.

A défaut d'excuses spontanées qui nous attendrions encore aux calendes grecques, car il est si facile, après coup, de décliner la responsabilité des abus de pouvoir et des coups de force commis par des subordonnés excités à point, nous devons - notre honneur national est ici directement en jeu - exiger des excuses formelles, tout au moins des regrets précis, accompagnés de l'assurance que les coupables recevront la juste punition de leur intolérable conduite. Si nous faisons la sourde oreille et les bons apôtres, par opportunisme ou pusillanimité, mieux vaut alors ne plus parler de la traditionnelle fierté helvétique !

[deux paragraphes sur l'affaire d'un professeur suisse en Allemagne congédié, et d'un professeur allemand nommé à Zürich]

Le peuple suisse, profondément attaché à sa liberté et à son indépendance, est las des provocations de toutes sortes qu'on lui fait subir et de la mollesse avec laquelle, en haut lieu, on riposte aux attentats réitérés perpétrés contre notre souveraineté politique et territoriale. Le peuple suisse exige que ses autorités veillent avec un soin scrupuleux au respect de ses droits et protestent avec l'énergie séculaire des vieux helvètes contre toute atteinte à sa souveraineté.

Il serait bon qu'on se le dise, à Berne, et que l'on y ose, quand les circonstances l'exigent, adopter le ton de la juste indignation. Sinon ion nous considérera comme des pleutres et des couards, et le moment viendra beaucoup plus vite qu'on ne le suppose, où il sera trop tard pour réagir.

Soyons des Suisses dignes de ce nom, ou renonçons à nous réclamer de nos glorieux ancêtres !

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1) Cet article était déjà composé lorsque le Département politique fédéral a fait parvenir le communiqué suivant:

Berne, 12 août.

Le Département politique fédéral communique ce qui suit au sujet de la violation de frontière survenue près d'Augst-Wyhlen:

Le 11 août, avant même que l'enquête menée par les autorités suisses au sujet de l'incident de frontière survenu à l'usine électrique d'Augst-Wyhlen soit terminée, le ministre d'Allemagne a remis au remplaçant du chef du Département politique une note dans laquelle il exprime au Conseil fédéral, au nom du gouvernement allemand, ses regrets de cette violation de frontière. La note dit encore que la légation est chargée d'ajouter que le gouvernement allemand a naturellement entrepris immédiatement l'enquête qui s'imposait.

Le Département politique a, au nom du Conseil fédéral, pris acte avec satisfaction de cette communication et a déclaré à la légation d'Allemagne qu'il admet que le gouvernement prendra, à la suite d'enquête en cours, les mesures nécessaires à l'égard des fautifs.

[pas signé]



18. Le Genevois   -  6 septembre 1933

p.1 : Au sujet du XIXme Anniversaire de la déclaration de guerre

Note de la Rédaction. - Cet article, par les pages d'histoire qu'il évoque, nous paraît un précieux avertissement lorsque, aujourd'hui, on voit à l'oeuvre les nazis, couverts par le Gouvernement de leur pays et encouragés par les violents discours de Nuremberg.

***

Ceux qui ont écouté régulièrement les émissions des postes radiophoniques allemands n'ont sans doute pas été peu surpris de ce qui leur a été donné d'entendre: ce n'était que discours belliqueux, sketches militaires, récits de guerre, glorification de l'armée allemande, "que la plus formidable coalition n'a pu vaincre", appels enflammés à la jeunesse pour l'inviter à ne pas oublier les héros de la grande guerre et à s'efforcer de les imiter. A entendre ces manifestations, on aurait pu se croire transporté dix-neuf ans en arrière, en ces journées d'août 1914, où le peuple allemand tout entier rêvait de "battre victorieusement" la France, la Russie et l'Angleterre. C'est exactement le même esprit, les mêmes rêves, les mêmes désirs qu'on sentait percer dans ces évocations et proclamations guerrières. C'est là, nous semble-t-il, une mentalité inquiétante et dangereuse: inquiétante, parce qu'elle montre que les Allemands ont beaucoup oublié et n'ont rien appris; dangereuse, parce que ces récits enthousiastes exercent sur la jeunesse du Reich, qui n'a pas connu les horreurs de la guerre, une fascination néfaste, entretenue et cultivée par de continuelles orgies militaristes.

Les journaux allemands ne sont d'ailleurs pas restés en arrière dans cette campagne du souvenir. Se lançant dans de longues considérations sur les origines de la guerre "fraîche et joyeuse", selon les paroles du Kronprinz, ils ne manquèrent pas de rééditer la thèse d'une Allemagne "innocente" d'une guerre dans laquelle elle fût traînée par l'envie et la jalousie de ses voisins", d'une Allemagne "obligée de se défendre contre un monde d'agresseurs".

[...]

I.E.



19 Le Genevois   -  23 septembre 1933

pp.1-2: Au Camp de Concentration de Dachau

On m'avait dit à la Maison Brune: Allez donc vous-même constater, de vos propres yeux, que tous les mensonges répandus en France, en Angleterre et en Amérique sur les prétendues atrocités perpétrées dans nos camps de concentration sont d'ignobles mensonges. Muni de la recommandation spéciale que nous allons vous remettre, vous n'aurez qu'à vous présenter au Dr. Müller, Oberinspektor de la police politique. C'est à deux pas du dôme.

J'y suis allé.

Cette préfecture de police a déjà quelque chose de particulièrement sinistre, avec les voûtes surbaissées de ses longs corridors, l'air méfiant et féroce des policiers et des nazis qui hantent ces sombres couloirs, qui vous toisent et vous braquent comme de présumés malfaiteurs. Une inscription en marbre, sur la porte d'entrée, cherche d'ailleurs à convaincre le visiteur qu'il vaut mieux être en règle avec la loi que de suivre ses propres caprices. Malheureusement, ce précepte s'adresse à l'innombrable foule qui, ignorant profondément la loi, ne saurait songer à la contourner...

Me voici devant le bureau de M. l'Oberinspektor. Une chemise brune, pâle, armé, sournois, monte la garde devant le sanctuaire de la bureaucratie criminelle. Il consent, après avoir soigneusement vérifié mes papiers, à m'introduire auprès du Herr Doktor qui dirige les hostilités contre les ennemis convaincus du IIIe Reich. Après nouvel examen des pièces et recommandations produites, j'obtiens un permis spécial de visiter le camp de concentration de Dachau. Ce permis est rigoureusement personnel et valable jusqu'à ce soir, à 16 heures.

Taxi. Dachau est un petit bourg moyen-âgeux, situé à 17 kilomètres au nord-est de Münich. Il émerge à peine de la plaine, désespérément morne et plate, qui entoure à perte de vue la capitale bavaroise. Ce matin, la pluie attriste encore ce paysage consterné. Waterloo, Witzwill, Dachau, Bellechasse, comme tout cela se ressemble !...

Après avoir contourné le bourg et avoir consulté au moins vingt personnes, mon chauffeur m'engage dans des chemins calamiteux. Quelques minutes durant, le taxi patauge dans d'indescriptibles fondrières quand tout à coup vlan ! comme un soufflet bien appliqué, une première impression affreusement pénible vient me cogner le coeur: une trentaine de prisonniers, vêtus d'un uniforme gris clair, sont alignés devant un mur. Le groupe est encadré de nazis armés de fusils. Comme pour esquiver la douloureuse vision, notre voiture, embourbée, pirouette à droite et nous parvenons enfin devant l'unique porte, puissamment gardée, du cloître immense et silencieux. Car vraiment, l'aspect du camp dans lequel on me fait pénétrer évoque celui d'une chartreuse, mais d'une chartreuse profane, d'un monastère vierge de chapelles et dont les moines auraient perdu tout espoir dans les promesses supraterrestres. Ici règne l'atmosphère trouble et fatale des prisons. On m'entraîne au bureau de la Kommandantur où le maître de ces lieux, après avoir procédé à une nouvelle et minutieuse vérification de mes papiers, m'explique, sur un ton de leçon apprise par coeur:

Ce camp fut précédemment une vaste fabrique de munitions, détruite en vertu du traité de Versailles. Nous n'avons ici que des détenus politiques. Notre but est de rééduquer les bons éléments et de les amener à collaborer de bon coeur au relèvement de la patrie. Actuellement nous avons 2.500 prisonniers, presque tous des communistes. Nous avons seulement (ce seulement est adorable) 80 juifs et 3 malades. Vous voyez que la proportion est bien faible...

- Quelle statistique, grand Dieu ! pensai-je.

Il poursuit: On va vous conduire dans les cellules, les cuisines et les ateliers. Vous pourrez vous rendre compte que ces hommes sont très bien soignés et ne manquent de rien. Leurs gardiens, qui ont un service très astreignant, se plaignent même de subir un régime beaucoup moins enviable...

On m'adjoint un cicérone, dans la personne d'un jeune gradé, qui revêt une pèlerine de caoutchouc, car la pluie s'obstine à tomber, aussi odieuse que le lieu sur lequel elle s'acharne. En route, tandis que nous croisons des groupes d'uniformes gris, solidement encadrés, mon compagnon me déclare: Les prisonniers qui ont une bonne conduite sont parfaitement bien traités. Ceux qui résistent en subissent évidemment les conséquences. Ainsi, hier, un juif qui avait insulté des gardiens a reçu naturellement quelques gifles...

Nous arrivons à l'enceinte du camp proprement dit. Elle est ceinturée d'un haut mur circulaire, flanqué, à intervalles réguliers, de tourelles en maçonnerie. Ces tourelles sont elles-mêmes trouées de meurtrières, d'où pointent des mitrailleuses, prêtes jour et nuit à massacrer qui tenterait de s'enfuir. Pour corser cette défense, on a encerclé les casemates d'une épaisse couronne de fils de fer barbelés, dans lesquels - la nuit seulement - on déclenche un puissant courant électrique. En outre, des sirènes automatiques, placées un peu partout, dénonceraient sans pitié la tentative d'un imprudent. En vérité, ces malheureux n'ont plus qu'à faire leur poing dans leur poche.

Et voici les cuisines, où quelques détenus épluchent des choux rouges et remuent, dans de vastes chaudières, un brouet gluant. Plus loin, le réfectoire, à cette heure vide, aux angles duquel on a placé des haut-parleurs. Mon officier est très fier de cette trouvaille humanitaire: Vous voyez, ils ont même de la musique ! (Sans doute leur serine-t-on à journées faites le Deutschland über alles !) Mais un détail, inepte celui-là: des personnalités du monde juif d'Allemagne sont caricaturés sur les murs blanchis à la chaux; lourdes plaisanteries, qui ne ridiculisent que leurs auteurs (humoristes sur ordre, assurément). Même Rathenau, le grand Rathenau, un des pionniers les plus lucides du redressement de la patrie effondrée, est là, ricanant d'un air idiot. Je songe aux quatre-vingt israélites, nos frères en humanité, qui, chaque jour, doivent subir en silence cet outrage abominable...

Nous voici maintenant au seuil des casemates où grouillent, sous la menace constante des mitrailleuses, les damnés de la terre. Ils sont là en tas, pêle-mêle: jeunes et vieux, brutes et intellectuels, bandits et honnêtes gens. Ils sont entassées, au petit bonheur, dans des locaux de fortune. Leurs couchettes étroites se blottissent et se superposent, comme dans les bagnes itinérants. L'uniforme gris clair ne parvient pas à supprimer les grands signes indélébiles. Il y a des yeux ternes, dans des visages éteints, des regards nostalgiques et profonds, des yeux où luit la flamme invinciblement limpide de l'intelligence, des yeux où flamboie la fureur de ceux qui crurent, comme Staline ou Hitler, à leur mission terrestre, et qui ont lamentablement raté... Il y a ceux qui souffrent, à chaque heure de la journée, d'une indicible torture morale, il y a ceux qui, sagement, s'efforcent d'oublier et il y a ceux, les plus heureux - ou les moins heureux - qui ne sentent rien, ou presque rien.

[...]

P. Bise



20. Le Genevois   -  17 janvier 1934

p.1 : Hitler et le Marxisme

Nous ne sommes guère mieux renseignés sur la " révolution hitlérienne " que sur la " révolution " russe ou la " révolution " fasciste. On ne les connaît généralement que par des témoignages suspects, soit tout en leur faveur, soit tout à leur détriment. Un seul fait positif peut être retenu : trois tentatives différentes, également anti-démocratiques, ont abouti, et leur révolution se poursuit, avec peu de chances de prompte modification. Deux sur trois ont été faites par d'anciens socialistes contre le marxisme qui les avait d'abord favorisées. Hitler se présente en effet comme un socialiste.

Quelques nébuleuse que soit la pensée politique allemande, on ne peut guère supposer qu'Hitler persiste longtemps dans les équivoques où il paraît actuellement se complaire. Il semble s'orienter vers une sorte de corporatisme, calqué en partie sur le fascisme, mais spécifiquement allemand en ce sens qu'il se rapprochera le plus possible du Socialisme d'Etat. Dès lors, l'abîme que les parole, plus que les faits, ont semblé creuser entre le marxisme et l'hitlérisme, n'existera plus. Le Führer n'aura fait du nationalisme que pour donner à ses partisans la majeure partie des hautes fonctions et pour s'opposer à un internationalisme d'ailleurs peu dangereux pour le Reich, en surexcitant un chauvinisme, indispensable au bluff du moment. Mais quand les buts provisoires seront atteints, ira-t-il aux hobereaux ou à un étatisme semi-communiste ? Ne rappellera-t-il pas une partie des " marxistes " israëlites émigrés - les plus ardents à proclamer leur germanisme de plus ou moins longue date - pour se concilier les faveurs plus ample encore des banquiers de Francfort et d'Amsterdam ?

Tout est possible dans ce chaos qu'est actuellement, malgré des apparences d'ordre rigoureux, l'Allemagne restée foncièrement militariste et caporaliste, férue d'obéissance, de discipline, de soumission aux " guides " jouissant du plus grand prestige. Mais il n'est pas impossible qu'un étatisme foncièrement marxiste soit instauré par Hitler lui-même. Alors, les thuriféraires d'aujourd'hui deviendront les critiques virulents du régime, tandis que ceux qui vitupèrent l'"abomination " antisémitique redeviendront les admirateurs de la grande Allemagne.

[pas signé]



21. Le Genevois   -  28 juillet 1934

Editorial : La terreur germanique

Il y a vingt ans que l'Autriche et l'Allemagne déchaînèrent la guerre. Les chefs de ces deux pays qui se targuent de haute culture pratiquaient la politique réaliste. Ils avaient le culte de la force et des armes. Ils comptaient pour rien les vies humaines. Emportés par leur orgueil et leur ambition, ils aspiraient à dominer le monde. Leur dessin leur semblait assez beau pour qu'il puissent violer les lois morales. Quatorze millions de morts ! L'Europe ruinée ! Le Reich renversé ! L'Autriche démembrée ! Tels furent les premiers résultats.

D'autres hommes prennent le gouvernement des deux pays germaniques. Ce sont des libéraux et des socialistes. Mais leur volonté n'est ni assez ferme ni assez intelligente ; ils ne savent pas s'entendre entre eux. La misère et le mécontentement aidant, ils sont renversés par les politiciens réalistes, les hommes de la guerre fraîche et joyeuse. A quelques mois de distance, l'Allemagne et l'Autriche sont plongées dans un bain de sang. Comme on ne peut pas massacrer tous les opposants, on se contente d'exécuter les chefs et d'emprisonner ceux qui pourraient avoir un semblant d'autorité sur leurs coreligionnaires. La révolution réactionnaire est faite : Hitler et Dollfuss commandent en maîtres. Cependant, le sang appelle le sang. Jamais une révolution violente ne s'est arrêtés brusquement ; les hommes sans scrupules qui l'ont faite se tuent entre eux après la victoire. Hitler, menacé, a pris les devants et a massacré ses anciens amis qui l'avaient aidé à s'emparer du pouvoir. Dollfuss est mort. Les assassinats sans aucun doute continueront, et l'Europe pourra s'estimer heureuse si elle n'est pas entraînée toute entière vers une nouvelle conflagration.

Voilà où nous en sommes après seize ans de paix ! On frémit en pensant que les hommes de proie qui gouvernent ou aspirent à gouverner les deux pays germaniques sont semblables à ceux qui voulaient asservir la France en 1914. Nous nous plaignons de notre vie présente. Qu'aurait-elle été si nous avions aujourd'hui pour maîtres la bande sinistre qui a déchaîné la guerre et dont nous pouvons une fois de plus aujourd'hui juger la mentalité et les actes.

Nous avons chez nous des hommes qui admirent les régimes de force instaurés en Allemagne et en Autriche. Après les événements de ces derniers jours, peut-on espérer qu'ils auront fait un retour sur eux-mêmes, qu'ils auront compris que la violence et le crime sont un engrenage terrible où il ne faut jamais s'engager. Hé oui, la démocratie a ses défauts, comme toutes les choses humaines ; nous convenons même que nous ne savons pas toujours y remédier, par manque de volonté et d'union. Cependant, où aimez-vous mieux vivre ? A Berlin et à Vienne, ou dans notre libre Suisse ? Nous perdons notre temps en disputes vaines à nous déchirer les uns les autres ; nous avons tort et nous pourrions mieux faire. Mais que sont ces fautes en comparaison des crimes germains ou russes ? Est-ce pas cela qu'on veut remplacer nos institutions démocratiques, nos traditions, nos bulletins de vote ? Nous savons bien que nous ne risquons rien à Genève des quelques agités qui rêvent de fascisme, mais n'est-il pas effrayant que le bon sens soit si fragile que, chez nous, des citoyens puissent désirer un régime de force ? Le rouge ne leur monte-t-il pas au front, l'angoisse ne leur étreint-elle pas le coeur quand ils pensent de combien de cadavres est semée la route de la dictature ?

L'indignation, a-t-on dit, n'est pas un sentiment politique. Ce qui compte, dans le gouvernement des hommes, ce sont les idées et les actes. Saurons-nous tirer des événements d'Allemagne et d'Autriche les enseignements nécessaires ? Répéter à nos frontistes, à nos opéniots, à nos Union nationale que nous les laisserons pas faire ? C'est inutile : ces écervelés sont trop peu nombreux et trop peu intelligents pour pouvoir mettre à exécution leurs folles théories ; nous les avertissons seulement de se tenir tranquilles. Mais cette démocratie, que nous sommes plusieurs partis à Genève à aimer et à défendre, qui ne subsiste plus effectivement que dans quelques rares pays, n'aurions-nous pas d'autres moyens que ceux que nous employons pour lui prouver notre ferme attachement ? Convient-il que ces partis, y compris le socialiste, se considèrent comme des adversaires et même comme des ennemis ? Faut-il vraiment qu'ils ne s'adressent les uns aux autres qu'en se servant des accusations, des injures et des menaces ? Il suffirait d'un peu de sagesse, d'un peu de modération. Hélas, c'est sans doute trop demander à des hommes, dans la triste époque ou nous vivons.

[pas signé]



22. Journal de Genève   -  31 janvier 1933

Editorial : La chute du général de Schleicher. l'Allemagne à la croisée des chemins

Le général von Schleicher, dont on attendait le salut de l'Allemagne, s'en va avant d'avoir rien réalisé. Sa chute est une manifestation typique du malaise politique dans lequel le Reich se débat.

Ce malaise consiste en ceci que l'Allemagne a un Parlement sans majorité et un président strictement fidèle à son serment constitutionnel. Ces deux faits combinés rendent également impossibles les gouvernements parlementaires et les gouvernements inconstitutionnels.On se rappelle que M. von Papen ayant obtenu du président Hindenburg la dissolution du Reich [Reichstag] et de nouvelles élections, a dû se retirer au lendemain de cette consultation, parce que le demi-succès électoral qu'il avait remporté l'avait définitivement brouillé avec les nationaux-socialistes, et qu'ainsi, il ne pouvait trouver une majorité au Reichstag.

M. Hitler fut écarté du pouvoir parce que le maréchal-président ne voulait pas donner à un homme qu'il considère comme un hurluberlu carte blanche pour gouverner sans le Parlement et en dehors de la Constitution. Et le général de Schleicher fut appelé parce qu'il apparaissait comme l'homme fort, capable de rallier autour de lui, sur une base plus personnelle que politique, une majorité au Reichstag - et au besoin de s'en passer.

Il semble aujourd'hui que le sens donné, voici deux mois, à la nomination du général de Schleicher n'ait pas été exact. Il avait bien été chargé de constituer une majorité parlementaire. Il l'a tenté - et il a échoué. Non par sa faute, mais parce que dans l'état des esprits en Allemagne, c'est là une tâche irréalisable.

Mais il n'avait apparemment pas reçu des pouvoirs suffisants pour gouverner, au besoin, sans Parlement. La preuve en est qu'ayant demandé au Président de dissoudre le Reichstag, et de ne pas faire, dans le délai constitutionnel de 60 jours, de nouvelles élections qui seraient absolument inutiles, il s'est heurté à un refus catégorique.

Le président ne fait pas confiance, sur ce point, au général de Schleicher plus qu'à n'importe qui d'autre - et peut-être moins qu'à M. von Papen. On peut même se demander maintenant si le but de son appel, en décembre, n'a pas été de le brûler. On ne peut certes pas prêter au président Hindenburg, qui est au-dessus des intrigues et des manoeuvres, une pareille intention. Mais il a un entourage.

Quoi qu'il en soit, M. von Schleicher s'en va parce qu'il a échoué dans une tâche que tout le monde savait impossible au moment où on la lui a confiée et parce qu'on lui refuse aujourd'hui ce que tout le monde savait déjà, il y a deux mois, nécessaire et inévitable : le droit de gouverner l'Allemagne sans Parlement.

On doit s'incliner avec respect devant la haute conscience du maréchal von Hindenburg. Pénétré de l'idée qu'il va bientôt se présenter devant son Juge, il se refuse à tout acte que sa conscience réprouve. Violer le serment qu'il a prêté à la Constitution est au-dessus des forces de ce vieillard, profondément croyant et élevé dans les traditions d'honneur de l'ancienne Allemagne.

Il y a des gens qui se demandent si le Reich est réellement républicain et qui doutent de la solidité de ses institutions actuelles. Il nous semble, quant à nous, que la république allemande donne des preuves de solidité et de fermeté qu'on aurait pas osé en attendre.

Combien de rois, de nos jours, n'ont pas hésité à violer le serment qu'ils avaient prêté à la Constitution ? L'Allemagne, qui paraît mûre pour la dictature, dont la situation intérieure est infiniment plus grave que celle d'aucun autre pays européen, et qui traverse un hiver dramatique, échappera peut-être au sort de l'Italie, de l'Espagne et de la Yougoslavie par l'opiniâtreté chrétienne d'un vieillard, qui porte dans son sang le dogme de l'autorité et de l'obéissance. La démocratie allemande est défendue et sera peut-être sauvée par un homme qui, au fond de son coeur, en déteste le principe, mais qui a le culte de la parole donnée.

Malheureusement, il ne suffit pas de vouloir : il faut pouvoir. Il ne suffit pas de vouloir gouverner l'Allemagne conformément à la Constitution, il faut trouver une majorité parlementaire. Et ici nous nous heurtons à un autre paradoxe de la situation : c'est que la seule façon de jouer la règle du jeu parlementaire consiste à faire appel à un parti qui ne veut rien savoir du Parlement.

Autrement dit, au moment même où il rentre dans la Constitution en congédiant Schleicher, le président Hindenburg est invité à en sortit de nouveau en appelant Hitler - qui lui demandera de faire exactement ce qu'il vient de refuser à Schleicher. N'est-ce pas là un imbroligo digne de la comédie italienne ?

Une fois encore, Hindenburg va chercher à s'échapper de ce dilemme. Il veut gouverner, de nouveau, avec son ami Papen, qui lui inspire toute confiance et qui s'est depuis quelque temps réconcilié avec Hitler. On peut même se demander si cette réconciliation, réalisée dans la coulisse, n'a pas été la cause profonde de la faiblesse soudaine dont a été saisi le cabinet Schleicher.

M. on Papen va donc essayer de s'entendre avec Hitler. Dans un pays logique, on pourrait prédire qu'il réussira ; car si leur accord n'est pas déjà fait, rien de ce qui se passe sous nos yeux depuis quarante-huit heures n'a de sens. Mais avec l'Allemagne, sait-on jamais ? En tout cas, de deux choses l'une : ou Papen s'entendra avec Hitler, ou il sera obligé de demander à son tour au président le droit de faire la dictature. Il n'y a pas d'autres solution.

Et même s'il s'entend avec les nationaux-socialistes, le problème du gouvernement parlementaire n'est pas encore résolu. Les nazis, même avec les nationalistes et les petits groupes de droite - dont l'appui n'est pas certain - n'ont pas la majorité. M. von Papen doit se mordre les doigts aujourd'hui d'avoir fait les dernières élections, qui ont détruit la base parlementaire sur laquelle il aurait pu s'appuyer. Tandis que maintenant, il dépend de la bonne volonté du Centre, qui ne veut rien savoir de lui.

Nous nous garderons bien de dire comment l'Allemagne sortira de cette situation, car nous ne le savons pas. Elle pourrait en sortir, si ses partis étaient raisonnables, mais ils ne l'ont guère été jusqu'ici. Et s'ils continuent à se conduire comme par le passé, aucune solution constitutionnelle du conflit ne semble devoir être solide et durable.

Quant à une solution inconstitutionnelle, elle ne se heurte pas seulement à la volonté du président. Elle risque de se heurter aussi à la volonté d'une nation qui souffre au-delà de ce que l'on peut dire, dans laquelle des éléments explosifs existent en grande quantité, et où la violence, une fois déchaînée, risque de ne pas s'arrêter à mi-chemin.

W.M.

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P.S. La nouvelle de la nomination de Hitler au poste de chancelier nous est parvenue alors que cet article était écrit. Elle n'y change rien. Elle prouve seulement que le président Hindenburg a reconnu que le seul moyen de gouverner constitutionnellement est de confier le pouvoir au chef du parti le plus nombreux au Reichstag. Quant à savoir ce qu'il en fera, c'est une autre question à laquelle il est trop tôt aujourd'hui pour donner une réponse.



23. Journal de Genève   -  21 juin 1934

p.1 : M. von Papen élève la voix

Le 30 janvier 1933, M. Hitler succédait au général von Schleicher à la chancellerie du Reich, et M. von Papen acceptait de collaborer avec lui sous le titre modeste de vice-chancelier : les conservateurs faisaient la courte échelle aux Nazis,.

Qui dit nazi dit nationaliste-socialiste. La partie du programme - nationalisme - a été accomplie d'un commun accord avec une virulence qui a engendré de l'inquiétude dans l'Europe entière. Mais la seconde partie de ce programme - socialisme - se réalisera-t-elle sans heurts ? Que de promesses ont été faites à toutes les classes de la population ! Que de démagogie dans la propagande naziste de la première heure ! Aujourd'hui - c'est la rançon de toute démagogie - le gouvernement se trouve dans une impasse : ou il abandonne la partie socialiste de son programme et il exaspère contre lui son aile gauche ; ou il passe à l'action, et il irrite violemment son aile droite.

Depuis quelque temps, déjà, se dessine dans les milieux des vieilles familles prussiennes un mouvement de désaffection à l'égard du régime hitlérien. Ces milieux s'inquiètent de projets qui compromettraient leurs droits de propriété ; les atteintes portées par l'Etat à l'indépendance des Eglises les émeuvent ; ils à la nouvelle que les propagandistes nazis formulent dans leurs discours de vives attaques contre la " réaction ". M. Staebe, chef du service de presse de la Jeunesse du Reich, ne leur lançait-il pas, l'autre jour, un véritable défi et ne proclamait-il pas : " Que meure la réaction afin que vive la Révolution socialiste. " ? Et M. Goebbels ne va-t-il pas répéter de ville en ville des couplets de bravoure contre les capitalistes ?

Fouettés au visage par ces attaques, les junkern réagissent. Le vieil esprit prussien se réveille. Les nobles ne sont ni de tempérament ni d'humeur à présenter évangéliquement la seconde joue à ceux qui ont frappé la première. Aussi longtemps que les efforts de la propagande et de la persécution furent dirigées contre les juifs, contre les pacifistes, contre les libéraux, ils n'y trouvèrent pas d'inconvénients ; mais maintenant c'est contre eux-mêmes, c'est contre leur conservatisme, c'est contre leurs vieilles traditions que s'élancent les flèches empoisonnées de la propagande démagogique. Ils sont résolus à ne pas se laisser faire.

M. von Papen est aujourd'hui leur porte-parole. Pour qu'il ait osé prononcer son sensationnel discours de Marburg, il faut qu'il se soit senti soutenu par un courant très puissant. Car il risque gros en rompant en visière aux suppôts les plus fervents et les plus violents du gouvernement dont il fait partie en qualité de vice-chancelier. On prétend aujourd'hui qu'après une entrevue avec M. Hitler il a accepté de " retirer son discours ". Mais qu'importe ? Le coup a porté. Sa parole a retenti comme un sévère avertissement aux maîtres de l'heure.

Premier coup de clairon : L'oeuvre entreprise, dit-il, présente des scories dont il faut la purifier. Faire disparaître ces scories exige des déclarations franches et viriles, ce qui manque actuellement dans la presse allemande. " (On se plaint volontiers de la liberté de la presse, mais il suffit que celle-ci soit bâillonnée pour que la nation en souffre !)

Deuxième coup de clairon : " Il faut savoir répondre aux jeunes révolutionnaires qui aiment à user du mot de " réactionnaire " à l'égard de nombreux éléments qui appuyèrent dès sa naissance le gouvernement Hitler. Lorsqu'on entend de tels propos on a l'impression d'être revenu aux temps périmés du marxisme ! "

L'attaque est nette. L'attaque est vive. Puis M. von Papen, dont l'autorité morale n'a cependant jamais été très grande, passe à des considérations plus élevées : " L'homme d'Etat, l'homme politique peut bien, il est vrai, réformer l'Etat, mais pas la vie en elle-même, dit-il avec raison. L'Etat est une organisation, la vie est une croissance. " Et encore cette grande vérité : " La véritable révolution du XXe siècle est celle des personnalités héroïques et liées à l'esprit divin contre les [ fin du paragraphe difficile à lire...]

[Quatre paragraphes, puis en conclusion " La véritable Allemagne se réveille. "]

J.M.



24. Journal de Genève   -  2 juillet 1934

Editorial: Hitler frappe

Le régime nazi, instauré sous la pression de la crise et avec le mandat non équivoque de la résoudre, se débat dans des difficultés économiques de plus en plus graves. Le chômage, il est vrai, a été réduit; mais ce résultat ne correspond nullement à une amélioration de la balance commerciale. Il a été demandé à un effort collectif de la nation, effort dont les charges écrasantes sont en définitive supportée par les classes privilégiées. Ces dernières, qui avaient appelé Hitler au pouvoir, se trouvent frustrées des résultats escomptés. Leur mécontentement obligeait le chancelier Hitler à s'appuyer de plus en plus sur la gauche. Les mesures prises pour la satisfaire ne pouvaient qu'accroître la désaffection de la droite. Ne voyait-on pas des journaux communistes circuler à peine dissimulés sous le manteau ?

On s'attendait donc à un séisme politique en Allemagne. Il n'a surpris que par sa soudaineté et sa violence.

Des signes avant-coureurs l'avaient annoncé: le discours du vice-chancelier Papen fut le plus visible. Il eut l'heur de provoquer l'ire du Dr Goebbels, considéré comme situé à la gauche du parti. Mais M. Hitler lui-même, après une consultation avec le président Hindenburg et une longue conversation avec M. von Papen, resta muet. Le président du Reich félicita M. von Papen.

Ceci indiquait déjà les positions. M. von Papen ayant, en janvier 1933, fait la courte-échelle à M. Hitler et donné au chancelier d'alors, le général von Schleicher, un croc-en-jambe définitif, était déçu des résultats. L'opposition de droite eût voulu se cristalliser autour de lui. Mais il a su éviter de se compromettre sans recours. Des perquisitions opérées hier chez lui ont effrayé son secrétaire, le Dr von Bose, qui se serait suicidé. On annonce aussi que son aide-de-camp M. von Tschirchki, serait mort. Mais on ne dit pas comment. Le vice-chancelier est gardé à vue, mais il n'a pas subi le sort de Roehm, de von Schleicher et d'autres, sommairement exécutés ou brutalement tués.

Le complot fut ourdi entre le général von Schleicher et le capitaine Roehm, chef des S.A. Ils correspondaient par des intermédiaires. De quoi s'agissait-il ? De rétablir en Allemagne l'Empire des Hohenzollern ? Probablement. Or, M. von Papen, on le sait, ne fait pas mystère de ses sympathies monarchistes. Le président Hindenburg incline peut-être aussi dans la même direction. Et il est certain que la monarchie, qui reste aux yeux des masses, non l'auteur, mais la victime de la grande guerre, conserve le prestige d'une grandeur évanouie et d'une prospérité sans égale. La monarchie n'est nullement exclue en Allemagne.

Roehm fut-il entraîné par des promesses ? C'est encore là un secret. Le fait reste que les S.A. ont été fortement ébranlées. La plupart de leurs chefs ont été abattus sans jugement, sans merci, et par surprise, Hitler ayant eu vent du complot, avait pris soin de séparer les chefs de leurs troupes en mettant certaines de ces dernières en congé. Mobilisées clandestinement par Roehm, elles acclamèrent le Führer lorsque celui-ci apparut en personne. Le sort de la conjuration était dès lors réglé.

Signalons cependant que M. Hitler ne semble pas avoir une confiance illimitée dans ses propres troupes, les S.A. A Berlin, il a fallu les éloigner pour que le général Goering puisse faire des descentes chez les chefs. Et les nouvelles instructions données par le Führer décèlent nettement une certaine nervosité. La défiance se révèle: le congé est prolongé...

Il s'agit bien d'un succès du chancelier Hitler. Remarquons cependant que dans toute cette affaire, son principal lieutenant est le général Goering. Celui-ci est situé modérément à droite. Les extrémistes de gauche semblent se tenir coi, et on ignore encore l'attitude du Dr Goebbels.

La plate-forme sur laquelle se meut le chancelier Hitler paraît donc assez étroite. Il a évité la trappe tendue sous ses pieds; il a frappé. Il frappera peut-être encore, il s'est affirmé, mais ne sera-t-il pas obligé de faire sa paix avec la droite ? La Reichswehr reste après tout fidèle au président von Hindenburg, qui, lui, n'est nullement nazi. Elle demeure la seule vraie puissance du Reich, surtout après les secousses qui viennent d'ébranler les S.A. C'est avec elle que doit compter Hitler. Ne trouvera-t-il pas avantage à composer avec elle ?

Nul ne peut certes prédire ce que fera le chancelier. Mais il lui faudra choisir entre la gauche et la droite. En épargnant la vie de M. von Papen, ne s'est-il pas ménagé le négociateur éventuel d'une réconciliation avec la droite ?

P.-E. B.



25. Journal de Genève   -  12 juillet 1934

Editorial: L'Italie et les événements d'Allemagne

Notre correspondant de Rome nous écrit:

Nulle part on aura observé, à l'égard des événements qui se sont déroulés en Allemagne, et dont il n'est pas encore possible de prévoir toutes les conséquences, une réserve aussi prudente que celle qui marque l'attitude des milieux politiques italiens. Il n'y a là rien de surprenant sans doute: cette réserve est la démonstration la plus éloquente de l'impression défavorable produite par la découverte du complot antihitlérien et sa répression sanglante. En effet, l'on ne se dissimule pas, ici, la gravité des faits qui mettent en cause la personnalité même du Führer: ses conceptions, ses méthodes, sa manière de les appliquer.

Arrivé au pouvoir après la "marche sur Rome", M. Mussolini, dont on dit avec raison qu'il est un esprit réaliste, s'est employé à résoudre par degrés les problèmes qui se sont tout de suite posés à lui. Les partis d'opposition, allant de la droite libérale (car l'extrême-droite se composait de fascistes et de nationalistes ayant déjà solidarisé) à l'extrême-gauche communiste, il ne les a pas étouffés; il les a liquidés au fur et à mesure que les circonstances, et leurs propres fautes, lui en fournissent l'occasion. C'est de la même façon, en procédant par étapes, qu'il a réalisé les réformes les plus hardies et modifié la structure de l'Etat. Il n'a pas, cependant, fait oeuvre de division. Car si, d'un côté, il a opéré le rapprochement entre l'Eglise et l'Etat, il a reconnu aussi les droits des cultes non-catholiques, dont il a amélioré la situation juridique. Les protestants et les juifs, on s'en souvient, ont, en manifestant leur satisfaction pour les mesures qui concernaient l'exercice de leur culte, désormais "admis" et non plus "tolérés", provoqué les protestations des catholiques, qui voyaient dans les accords de Latran un instrument devant consacrer pour eux une espèce de suprématie. Dans le domaine social, M. Mussolini a combattu les principes socialistes, mais il a créé le corporativisme, dont le point de départ a été la constitution des syndicats ouvriers.

On rappelle volontiers ces faits dans les conversations qui se tiennent à Rome, à propos de la "crise" du national-socialisme allemand. A la différence du Duce, le Führer a voulu conquérir le pouvoir par les voies légales et parlementaires et il a prétendu ensuite faire la révolution. Il s'y est pris sans méthode, en voulant résoudre d'un seul coup et par la violence tous les problèmes qui lui paraissaient d'un caractère essentiel et urgent. Il a soulevé la question de la race et la question religieuse, en divisant le pays et en s'attirant à la fois l'aversion des juifs, des catholiques et des protestants. Il a déçu les ouvriers en faisant dissoudre les syndicats et en les livrant ainsi aux patrons. En échange de quoi, qu'a-t-il apporté au peuple allemand ? Le boycottage organisé à l'étranger sur une vaste échelle a contribué pour une grande part au déficit actuel de la balance commerciale. Les paiements à l'étranger ont dû être suspendus. Après avoir quitté Genève, il a vu s'organiser en Europe, sous les auspices de la Russie, des combinaisons qui ne peuvent avoir comme effet que l'isolement de l'Allemagne. La campagne pour la formation en Autriche d'un régime national-socialiste s'est heurtée à l'opposition de l'Italie, de la France et de l'Angleterre et l'entrevue de Venise avec le Duce n'a pas non plus donné de résultats positifs.

On s'explique donc ici que le complot réprimé le 30 juin n'ait été que la résultante d'un mécontentement général, qui s'est manifesté, en tout premier lieu, dans les rangs mêmes du parti nazi. Et c'est ce que l'opinion considère comme l'un des symptômes les plus graves de la situation actuelle. Les débuts du fascisme ont aussi été marqués par des luttes intérieures. Mais aucun des mouvements qui se sont manifestés n'a visé le Duce, dont l'autorité a toujours été jugée incontestable. Si le fascisme a été combattu, c'est par ses adversaires politiques. Par contre, le Führer a vu prendre position contre lui non seulement les courants politiques mis au ban de la vie nationale, mais ses partisans eux-mêmes et, c'est qui est pire, ces sections d'assaut qui correspondaient, en Italie, à la milice volontaire fasciste. Ce sont les chefs de ces formations, qui comptaient parmi les amis et les hommes de confiance de Hitler, que celui-ci a fait exécuter sommairement, ne pouvant sans doute pas faire passer par les armes les escouades toutes entières. Cette répression elle-même s'écarte sensiblement des systèmes fascistes. Ici, les adversaires du régime aussi bien que les partisans devenus dissidents et s'étant rendus coupables d'activité antifasciste ont été poursuivis par les voies légales. On peut trembles à la pensée des rigueurs des lois spéciales et du tribunal spécial pour la défense de l'Etat; mais à part le fait que ce tribunal, en Italie, observe méticuleusement la procédure, et que la défense est garantie pendant l'instruction et les débats, il n'y a jamais eu d'exemple d'exécutions n'ayant pas été précédées d'un procès régulier. On ne saurait en tous cas jamais concevoir qu'un conseil des ministres soit appelé à légaliser les exécutions effectuées en dehors de tout jugement.

Or, ces différents éléments de la situation amènent les milieux politiques italiens à se demander si le prestige du Führer n'est pas sérieusement compromis, à l'intérieur du pays comme devant l'opinion publique mondiale. Il en résulte qu'une solidarité italo-allemande, en présence des problèmes internationaux actuels, n'apporterait aucun bénéfice réel à l'action diplomatique du cabinet de Rome. D'autre part, on a vu combien de fois Rome et Berlin se sont trouvés en antagonisme depuis l'avènement au pouvoir des nationaux-socialistes, sur le terrain même de la politique internationale. Un cabinet allemand forcé de s'orienter d'après les pressions de la Reichswehr et les groupements réactionnaires et militaristes serait considéré ici comme un nouvel élément de trouble et d'inquiétude. C'est pourquoi, devant l'inconnue que représente actuellement et une fois de plus l'Allemagne, on préfère garder une attitude simplement expectante.

Th. V.



26. Journal de Genève   -  27 juillet 1934

Editorial: La mort du chancelier Dollfuss

L'Autriche est aujourd'hui en deuil. Elle a perdu l'un de ses enfants les plus dignes d'admiration, celui qui a su élever son pays ruiné par la guerre et humilié par la paix, à la hauteur d'une grande mission.

Le chancelier Dollfuss n'a jamais rien voulu pour lui-même. Il a vécu avec sa compagne et ses deux enfants dans la plus grande simplicité. Fils d'un paysan, élevé dans un petit village, par une mère pieuse qui voulait avant tout qu'il fût un homme de valeur et un homme bon, il revint souvent se reposer des fatigues du pouvoir dans l'humble maison natale où sa mère, en costume paysan, continuait de travailler et l'accueillait sur le seuil.

Son oeuvre est magnifique: il a accompli un redressement étonnant sur le plan moral aussi bien qu'économique. L'Autriche, grâce à lui, joue un rôle dans le monde. En Europe, on s'est souvent étonné de l'action prodigieuse de cet homme qui menait avec une si ferme résolution son pays vers un avenir meilleur. Aujourd'hui, cette même Europe est stupéfaite, abasourdie que le chancelier Dollfuss a été abattu comme un chien, de trois coups de feu, et qu'on l'ait laissé périr sans un prêtre, sans même, selon une version, le secours d'un médecin.

Comment les conjurés ont-ils pu pénétrer jusqu'au chancelier ? Sa vie si précieuse et tant de fois menacée n'était-elle pas mieux protégée ? Nous savons maintenant que les nazis ont pu entrer dans la chancellerie en se déguisant. Ils ont pris l'uniforme de policiers et ont profité des deux minutes de la relève de la garde. Une fois introduits dans le palais, la première partie du coup d'Etat avait réussi.

Les insurgés ont commis un acte qui est le point culminant d'une vague de terreur. Ces derniers temps, les attentats s'étaient multipliés, mais la cause des nazis était déjà perdue. C'est pourquoi, tout en essayant de saisir le pouvoir en un effort désespéré, les nazis ont voulu se venger.

Leur coup d'Etat s'est exécuté en deux mouvements. La saisie du poste de radiophonie Rawag devait leur permettre d'affoler le pays en y répandant de fausses nouvelles, en annonçant que la révolution était générale et victorieuse. L'Autriche se serait rendue. En même temps, la surprise et le meurtre du chancelier Dollfuss devait décapiter le gouvernement et l'acculer à une honteuse capitulation. Le ridicule l'aurait achevé.

Ce plan a échoué. Partout la fidélité au gouvernement a été remarquable. Les manoeuvres du poste Rawag occupé par les nazis n'ont éveillé aucun écho. Le président de la République, M. Miklas, a pu faire cerner les conjurés et a trouvé dans les ministres restés libres l'aide la plus loyale et la plus efficace. La réaction de la population prouve à quel point M. Dollfuss avait su grouper sous sa bannière et inspirer un peuple qui, il y a quinze mois à peine, semblait prêt à tous les abandons. C'est le mot d'ordre du gouvernement qui a été suivi: à part quelques mouvements sans importance et sans la moindre envergure au Tyrol et en Carinthie, l'ordre n'a pas été troublé. Les trains circulent, le téléphone et le télégraphe maintiennent intact leur réseau de sécurité.

Le rôle du ministre d'Autriche à Rome, M. von Rintelen, n'est pas clair. Les nazis ont assuré pendant leur courte domination de la radio, qu'il prenait le pouvoir. On sait d'autre part qu'il a tenté de se suicider. C'est là une grave présomption de connivence avec les traîtres. M. von Rintelen s'est toujours montré partisan de mesures de douceur envers les nazis autrichiens. Cet homme était-il à la tête de la conjuration ? L'enquête en cours le révélera peut-être. En attendant, il est aux arrêts à l'hôpital et gardé à vue.

Le complot avait indubitablement été ourdi avec la connivence des nazis allemands. Jusqu'à quel point le gouvernement du Reich était-il au courant de l'affaire ? Il est bien difficile de penser que tout cela s'est passé à son insu et contre sa volonté. Dès lors, on reste pantois devant l'action de Berlin. C'est plus qu'un crime, c'est une maladresse insigne. L'affaire d'Autriche a isolé l'Allemagne, a contribué plus que tout à compromettre la situation du Reich en Europe. Comment ses dirigeants n'ont-ils pas vu qu'ils allaient soulever contre eux l'indignation de l'Europe entière ? Ont-ils perdu, après le 30 juin, le sens de leurs propres intérêts ?

Ce cruel et absurde attentat reste donc la plus lourde faute que pussent commettre les nazis. Leur victime reçoit par leurs soins la palme du martyre. Dollfuss, par sa mort, assure la pérennité de son oeuvre, la renaissance de l'Autriche, qu'il a voulue, à laquelle il a donné sa vie.

Devant son noble sacrifice, accompli à moins de quarante ans, devant la douleur de sa veuve, de ses deux jeunes enfants et de tout un peuple, nous nous inclinons avec respect.

P.-E. B.



27. Journal de Genève   -  4 août 1934

Editorial: Président et chancelier

La disparition du président Hindenburg posait à l'Allemagne et à l'Europe un problème d'une gravité extrême. De la solution adoptée à Berlin dépendait la restauration des Hohenzollern, l'affermissement du pouvoir nazi ou au contraire son ébranlement et peut-être sa chute, avec tous les inquiétants aléas d'aventures d'extrême gauche ou d'extrême droite.

Il s'agissait donc en tout premier lieu pour le gouvernement national-socialiste d'éviter les troubles de l'intérim présidentiel. La constitution de Weimar confie cet intérim au président du tribunal suprême à Leipzig. Elle subit une entorse du fait que le gouvernement remet aujourd'hui le pouvoir intérimaire au chancelier Hitler. Du point de vue pratique, il a peut-être eu raison d'éviter toute fluctuation d'hésitation ou de doute: la stabilité est maintenue jusqu'à la décision laissée au verdict populaire.

La difficulté principale semblait bien être, pour l'idéologie national-socialiste, d'admettre à côté de Hitler un autre pouvoir duquel il dépende. Selon la doctrine nazi, le pouvoir émane du peuple et celui-ci ayant choisi son Führer, ne peut guère imposer à ce dernier un autre chef auquel il ait à se soumettre et devant lequel il doit éventuellement s'efface et disparaître. La seule solution possible, au cas où les fonctions de chancelier et de président eussent été maintenues séparées, aurait été le rétablissement de la monarchie. La dictature de M., Mussolini s'accommode en effet fort bien de la personne et des prérogatives royales. Elles représentent dans l'Etat fasciste un élément discret de tradition et de stabilité. Sans avoir la précédence sur la nouvelle doctrine politique du Duce, la monarchie de Savoie apporte à M. Mussolini le soutien précieux et l'autorité de la permanence. En une heure grave, elle pourrait même donner au régime ou à la nation l'impulsion qui l'aiguillerait vers le salut.

La situation est tout autre en Allemagne. Le retour des Hohenzollern au trône risquerait d'abord d'entraîner des complications internationales et le Reich a pour le moment assez de soucis sur les bras sans s'en créer d'autres de gaieté de coeur. A l'intérieur, la tradition monarchiste interrompue en novembre 1918 ne serai pas facile à reprendre. Les éléments groupés sous la croix gammée sont loin d'être tous fidèles à l'ancienne maison impériale. Son rétablissement risquerait donc de provoquer une scission dans les rangs nazis et Hitler se verrait obliger de se prononcer. Ou bien il devrait se tournent contre la gauche du parti en épousant la politique intégrale de la droite et des hobereaux, ou au contraire, il s'aliénerait ces derniers en leur fermant définitivement tout espoir. Dans les deux cas se

serait pour lui une diminution de prestige et d'autorité peut-être fatale. On comprend que Hitler, qui n'est nullement monarchiste, esquive le dilemme et n'ait permis à aucun membre de la famille impériale de poser sa candidature à la présidence du Reich.

Une autre solution eût été pour Hitler de succéder à Hindenburg en laissant la chancellerie à l'un de ses lieutenants, à Goering, par exemple. Là encore, on se heurte à des impossibilités. Le Führer ne peut abandonner à d'autres le pouvoir effectif à lui confié par la nation. Se réfugier dans un rôle surtout décoratif et lointain de Deus ex machina eût été une abdication totalement incomprise, aussi bien qu'une tentation pour son successeur éventuel à la présidence du cabinet. Pour le prestige de la doctrine et son succès, il est essentiel que le Führer tienne lui-même les rênes du pouvoir et qu'il n'ait personne au-dessus de lui. La décision s'imposait dès lors d'une fusion de la présidence et de la chancellerie.

Mais est-elle légale pour cela ? Et ne peut-on dire que si Hitler s'y trouve acculé, c'est parce que depuis longtemps il viole la lettre et l'esprit de la Constitution de Weimar ? Ses auteurs n'ont-ils pas entendu séparer les pouvoirs qu'Hitler réunit aujourd'hui ? Ne voulaient-ils pas ainsi donner une garantie à la volonté populaire, exprimée de deux manières différents ? On répondra du côté nazi que le peuple sera consulté en l'occurrence, qu'il aura l'occasion, le 19 août, de se prononcer pour ou contre la fusion de la chancellerie et de la présidence, et qu'après tout il est souverain et compétent pour modifier à son gré le statut de l'Allemagne. Encore faudrait-il être assuré que cette consultation populaire sera tout à fait libre. On assure bien que le scrutin sera secret. Le danger existe tout de même qu'il ressemble au plébiscite de Napoléon III, celui du 10 décembre 1852.

Quelles seront les conséquences pratiques de la nouvelle dignité du Führer ? Devient-il vraiment le chef, son pouvoir personnel est-il désormais illimité ? Les intrigues et les factions ont quitté le Reichstag et ses couloirs, mais peut-on certifier qu'elles ne se donnent pas libre jeu dans les couloirs de la chancellerie ? Hitler exerce-t-il toujours le pouvoir total, ou n'est-il qu'un paravent pour des influences occultes?

Depuis le 30 juin, le véritable pouvoir est entre les mains de la Reichswehr. On ne voit pas que la mort du président Hindenburg change rien à cette situation. Hitler, en lui succédant, sera désormais privé de l'autorité morale dont jouissait le vieux maréchal. Il n'aura plus, pour un second 30 juin, le secours d'un satisfecit présidentiel. Si Hitler a encore pour lui les S.S., les S.A. restent démantelées. Et l'inconnue que représentent l'influence de Goebbels et surtout de Goering dans le cabinet reste entière.

Dans ces conditions, on peut se demander si l'immense pouvoir que prend aujourd'hui le chancelier Hitler n'est pas surtout une brillante façade. Elle cache peut-être d'obscurs remous, des luttes que révéleront des coup d'éclats inattendus. Peut-être aussi couvre-t-elle un bâtiment solide. Tout dépend en somme de la Reichswehr et du prestige personnel que le Führer peut y exercer ou y acquérir. Pour remplacer Hindenburg dans le coeur des vétérans, il ne suffit pas de recueillir sa succession et de prendre sa place. C'est là que dort le redoutable secret de l'avenir.

P.-E. B.



28. La Liberté syndicale   -  23 mars 1934

p.1 : Qui sauvera la France ?

Nos lecteurs connaissent les scandaleux épisodes des deux affaires qui bouleversent l'opinion française. Ce n'est pas le procès de quelques bandits qui s'instruit en ce moment ; c'est celui d'un régime. Ce que Daladier défendait en octobre, ce n'était pas la " dernière tranchée de la liberté ", mais celle de la corruption parlementaire, financière et démagogique. Cette démocratie-là ne justifie que trop l'amère maxime d'un observateur de ce temps : " La démocratie, c'est l'art de faire croire au peuple qu'il gouverne. " Art tissé de mensonges et qui déforme ses " artistes " au point de les rendre foncièrement incapables de traduire les aspirations et les volontés populaires. Pauvre souverain que ce peuple sans cesse flagorné par la multitude de ses courtisans qui font leurs affaires - et quelles affaires ! - sous le manteau du bien commun. Il y a dans tous les partis des parlementaires honnêtes. Mais le système a pris le caractère d'une immense escroquerie morale, fondée sur l'exploitation intensive de la crédulité publique. Dès lors, les commissions issues du parlement ne sauraient faire toute la lumière. Elles s'arrêtent au point où le système est gravement menacé. Or, c'est le système lui-même qui est à la source du mal.

C'est donc toute l'armature politique de la France qui menace de s'effondrer à bref délai. Nous ne parlons que pour mémoire de ces croupissantes mares de gauche où pataugent les fils de la Veuve et de la Ligue des droits de l'homme ( !).

La droite des Tardieu et des Mandel, en tant que formation parlementaire, ne fera pas non plus le salut de la France : elle subit la loi du système.

Reste la garde rouge, espoir suprême et suprême pensée : la Section Française de l'Internationale Ouvrière (S.F.I.O.) pilotées à coup de gaffes par le juif Léon Blum.

Dernier appât offert à la crédulité du peuple.

Tranchée ultime de la duperie démagogique.

Dernier espalier de gauche où doivent mûrir les poires destinées au banquet du Grand Soir.

Dans les coulisses du Guignol parlementaire, Blum s'apprête à reprendre le rôle piteusement abandonné par le " taureau " Daladier, Chautemps-de-la Veuve, et Frot, le dictateur foireux.

Enfin, voilà du nouveau, des forces fraîches et des mains impollues ! Les tonneaux de la rouge cuvée roulent par tous les chemins de la Gaule. Et le peuple, visiblement, fait la grimace ! Pourquoi ? - Il connaît cette vieille piquette.

Le socialisme a vieilli et pourri en même temps que le parlementarisme dont il est le parasite. Quelque respect qu'on doive aux morts, il faut rappeler que c'est Jaurès et Pressensé qui ont engagé le socialisme français dans ce bourbier. Ce sont les pères du Cartel. Et c'est Jaurès en personne qui a mis l'Humanité sous la tutelle de la finance juive. Charles Péguy a marqué fortement cette bifurcation décisive, cette fatale abdication du grand tribun, et c'est alors - vers 1905, sauf erreur -qu'il se sépara publiquement d'un parti voué à la décadence. Blum est l'héritier direct de cette tradition équivoque, qui lie le sort du socialisme français à celui de la Maçonnerie, du parlementarisme et de la plouto-révolution juive. C'est à ce snob, qui en sortant des salons de gauche endosse des fripes pour aller duper le peuple, qu'il revenait de prolonger jusqu'aux limites de l'odieux et du ridicule les fastes du cabotinisme démagogique. Blum devait normalement succéder à Chautemps dont il fut le suppôt. Mais tant va la cruche...

*

[Un long paragraphe sur l'inévitable révolution nationale suisse, qui aura lieu comme en Allemagne, en Italie et en Autriche.]

R. LEYVRAZ



29. La Lutte   -  6 juillet 1934

p.1 : L'ébranlement du fascisme allemand

" Sinistres craquements en Hitlérie " écrivions -nous la semaine dernière en commentant les polémiques des ministres allemands. La crise latente a éclaté vendredi dernier avec une rare violence. - Les canailles fascistes se massacrent et s'entretuent. En quelques heures Hitler fit exécuter plusieurs dizaines de ses meilleurs et plus fidèles collaborateurs, il décapita littéralement ses troupes d'assaut en faisant fusiller sept généraux de l'armée brune. Il fit assassiner un nombre au moins égal de vieux hobereaux, de chefs conservateurs, de généraux de la Reichswehr et d'hommes politiques de droite. Et 24 heures après cette St-Barthélémy, et après avoir opéré des milliers d'arrestations, il proclamait : l'ordre règne dans tous le Reich ! L' " ordre " à la mode fasciste : la terreur, le meurtre, la trahison.

Pourquoi cette brutale explosion de terreur contre les hommes qui hier encore étaient les meilleurs soutiens du fascisme, ceux qui hissèrent Hitler au pouvoir et qui écrasèrent le mouvement ouvrier, ceux qui torturèrent nos militants ?

Hitler a annoncé que les chefs des troupes d'assaut avaient comploté avec les représentants de la réaction - les monarchistes de von Papen - et avec une mystérieuse puissance étrangère. Personne dans le monde n'a pris au sérieux cette version officielle destinée à faire accepter la sanglante hécatombe de samedi dernier.

Nous n'avons cessé de démontrer que le fascisme n'avait tenu aucune promesses démagogiques qu'il avait faites aux masses dupées avant d'arriver au pouvoir.

Les illusions se sont vite évanouies et le mécontentement s'est emparé de ces masses de chômeurs, de petits paysans et de petits bourgeois auxquelles ont avait promis la lutte contre les financiers et les gros capitalistes. Ces masses - les jeunes surtout - qui attendaient une révolution de caractère social, un " socialisme " national, ne virent que contre-révolution, oppression, corruption accrue et exploitation renforcée des travailleurs. Embrigadés dans la grande armée brune des troupes d'assaut, ces millions de mécontents furent influencés pas l'action illégale de notre parti frère qui s'était donné pour tâche la désagrégation des troupes de l'ennemi.

Les troupes d'assaut sous l'action du levain de la propagande communiste réclamèrent la seconde révolution, la révolution des travailleurs contre leurs exploiteurs capitalistes. Goebbels eut beau organiser une grande croisade contre les rouspéteurs, les ronchonneurs et leur jeter en pâture quelques juifs, sa grande campagne remplissait les oreilles de nouvelles promesses, de nouveaux mensonges, mais elle laissait les estomacs vides et malgré tous ses efforts de propagande la lutte des classes inexorable flamba dans les rangs mêmes des organisations fascistes. Le marxisme invincible reprenait ses droits, menaçant tout le château de cartes de ceux qui proclamaient une impossible solidarité nationale dans le but d'endormir la conscience des travailleurs et de les chloroformer pour permettre aux patrons rapaces de prélever leurs profits sur le labeur et la misère des pauvres.

Les élections aux conseils d'usine révélèrent au patronat le danger de la révolte sourde qui couvait dans la classe ouvrière. Les gros capitalistes qui avaient recouru au fascisme pour échapper à la marée révolutionnaire montante comprirent le danger de la démagogie sociale des fascistes au sein de cette masse armée de près de 3 millions de travailleurs mécontents qu'étaient les troupes d'assaut. Ils exprimèrent leur mécontentement et leurs craintes par le discours de von Papen et par l'activité accrue des forces révolutionnaires monarchiques de l'entourage de Hindenburg. Hitler sentait donc le terrain glisser sous ses pieds. A gauche le mécontentement croissant des masses populaires s'exprimant par la volonté de faire la deuxième révolution, volonté révolutionnaire du peuple qui poussa les chefs aventuriers des troupes d'assaut à envisager un nouveau coup d'Etat pour échapper à la colère croissante d'en bas, à droite le mécontentement de cercles de plus en plus grands et puissants du capital financier et des gros industriels qui considéraient qui le fascisme ne remplissait pas assez sûrement sa mission contre-révolutionnaire et qui caressaient des plans de dictature militaire des cercles monarchiques les plus réactionnaires sans la dangereuse démagogie sociale des nazis. Hitler frappa à gauche et à droite pour apaiser les masses. Il construisit cette histoire abracadabrante d'un complot des troupes d'assaut avec les milieux réactionnaires pour pouvoir dissoudre les troupes d'assaut sans trop de déchet et en reprenant son influence sur les masses sous le signe de la lutte contre les réactionnaires et la presse étrangère que la presse italienne dénonce comme étant l'Union soviétique.

Comme dans toute la politique allemande les ficelles sont grosses et lourdement tirées.

L'ordre règne !...la tranquillité de la mort et des prisons.

Mais Hitler n'a pu opérer cette " consolidation " momentanée de son régime qu'en le discréditant profondément, irrémédiablement aux yeux de monde entier. Pour se poser en sauveur de la morale du pays, il a dû jeter le masque des rénovateurs fascistes, dévoiler les monstrueuses turpitudes de ses meilleurs lieutenants et de ses plus intimes amis, mettre à nu toute la corruption de son régime. Ce ne sont ni Roehm, ni Heines, ni leurs compagnons de débauche qui sont salis par leur chef, c'est tout le mouvement fasciste d'Allemagne et d'ailleurs, car Hitler connaissait les turpitudes et les vices de Roehm quand il en a fait son général brun en lui remettant " l'éducation " de millions de jeunes gens ! Du coup aussi se trouvent confirmées toutes les accusations précises du livre brun. Van der Lubbe est sorti du lit de Roehm pour aller mettre le feu au Reichstag et Heines fut le chef de l'expédition qui du palais de Goering pénétra au Reichstag pour aider van der Lubbe dans sa mission de rénovation nationale. En faisant fusiller les derniers exécuteurs de l'incendie du Reichstag, Hitler se débarrasse du même coup de témoins gênants qui sans doute monnayaient leur savoir et faisaient parfois chanter le Führer qui était pour cette bande de canailles sanglantes d'une mansuétude qui seule la complicité peut expliquer.

L' " ordre " est rétabli. Hitler est maître de la situation : il a assassiné ses complices, ses amis. Mais personne ne croit à la stabilité de ce régime de sang et de boue. Le régime est ébranlé dans sa base : ces masses mécontentes décimées par la répression et la " réorganisation " des troupes d'assaut ne seront pas satisfaites. Au contraire, ce coup est dirigé contre elles. Hitler s'efforce ainsi de reconquérir la confiance de la grande bourgeoisie qu'il sert, mais la terreur la plus bestiale ne saurait solutionner les problèmes économiques et sociaux du III. Reich qui sont aggravés. Le mécontentement du peuple grandit et cherche l'issue, l'issue que lui montre le vaillant Parti communiste, l'Allemagne soviétique.

[pas signé]



30. Le Peuple genevois   -  23 septembre 1933

p.3: Petites nouvelles de l'U.R.S.S.

(Voir le N° du 26 août)

[Dix-sept paragraphes sur la Russie des tsars, sur ses conditions de vie misérables.]

Moscou 1933. - C'est probablement de cette façon qu'on pratique l'accouchement chez les négritos ou les papous. Et voilà le pays qui passé d'un seul coup à la civilisation moderne ! C'est à peu près comme si l'homme de l'âge de fer avait découvert brusquement l'électricité et l'usage du pétrole !

Il faut connaître ces détails, il ne faut pas perdre de vue ces conditions sociales et morales lorsqu'on juge la Russie des Soviets. La propagande rudimentaire des hommes du Kremlin a dû se mettre à la portée des demi-sauvages des steppes. Ignorant et incapable de raisonner, le moujik se laisse impressionner par des affirmations brutales qui feraient hausser les épaules aux paysans européens - car la Russie, c'est l'Asie, ne l'oublions pas.

L'erreur des Soviets fut de croire que les peuples européens ressemblaient aux Russes et que le capitalisme était partout à la veille de l'effondrement. Grande fut leur surprise quand ils virent se produire précisément l'inverse ; partout, c'est le socialisme qui fut en plein déroute, même au pays de Karl Marx et le capitalisme eût l'habileté de confisquer à son usage les méthodes grégaires et militaires du communisme. D'où la volte-face étonnante de l'U.R.S.S. qui se déclara soudainement pacifiste et signa des traités amicaux avec les " infâmes gouvernements capitalistes ".

Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce sujet.

VALODIA.



31. Le Peuple genevois 4 novembre 1933

p.2: Ce qu'admire Georges Oltramare. Hitler fait la guerre aux enfants

" Le nombre des enfants juifs laissés sans ressources par leurs parents assassinés, enlevés ou arrêtés s'accroît chaque jour. A Berlin seulement, plus de six cents enfants juifs sont à la charge de la communauté de cette ville... "

Rassurez-vous, cette petite note ne tient pas la vedette. C'est une information comme une autre, devenue banale. On apprend encore, dans de minuscules nouvelles, qu'un médecin juif et sa femme chrétienne ont été arrêtés, qu'ils ont été promenés dans les rues avec des écriteaux...Cela n'est rien. Un journal allemand s'est en outre avisé de vanter le grand libéralisme du Führer. Songez donc ! Par grâce spéciale, les Allemands à l'étranger sont autorisés à acheter dans des maisons juives, à se faire soigner par des médecins juifs. Quelle générosité ! Mais peut-être est-elle forcée. Il est tout de même difficile de faire de l'assassinat, du boycottage, des enlèvements, un article d'exportation...On se rattrape à l'intérieur. Six cents enfants, rien qu'à Berlin, dont les parents ont été tués, emprisonnés, enlevés ! C'est un joli chiffre. Combien représente-t-il de meurtres - d'une façon ou de l'autre ?

A la fin de la terreur léniniste, ce phénomène s'était déjà produit : des milliers d'orphelins abandonnés encombraient les rues de Moscou.

Hitler prétend combattre les communistes, mais il imite leurs méthodes, il organise les tortures et les massacres contre les Juifs, plus spécialement, mais contre tous ses ennemis en réalité, sans se soucier des innombrables enfants innocents qui errent, affamés et abandonnés, au soir des tueries.

Dans la mesure du possible, les communautés juives viennent au secours des leurs.

Mais les autres ?

Car les sicaires d'Hitler massacrent indistinctement juifs, socialistes, communistes ou même catholiques et luthériens que révolte sa dictature sanglante.

N'oubliez pas qu'un admirateur d'Hitler a l'audace de poser sa candidature au Grand Conseil !

C'est M. Georges Oltramare, de l'Union Nationale.

Voter pour lui, ce serait donner votre approbation aux cruautés hitlériennes.

Songez-y !

Vous refuserez d'apporter votre voix à l'homme qui a serré les mains ensanglantées du dictateur Hitler.

[pas signé]



32. Le Peuple genevois   -  20 avril 1935

p.1 : Le temps présent. La victoire de Stresa

Les pessimistes et les sceptiques ont eu tort. D'avance, ils avaient cru pouvoir médire du résultat de cette conférence de Stresa qui réunit les représentants des plus grands pays pacifistes actuels, Italie, Grande-Bretagne, France. Eh bien non, grâce à la bonne entente mutuelle, grâce à l'énergique impulsion d'un Mussolini, les journées du Palais Borromée n'ont pas abouti à de vagues formules diplomatiques mais à une résolution ferme, solide comme le chêne de Saint-Louis, résolution qui blâme les méthodes brutales des fils de Thor et de Wotan et affirme que les trois pays agiront en étroite collaboration pour maintenir la paix du monde et le respect du traité.

D'autre part, le Gouvernement français a saisi la Société des Nations d'une requête contre la violation du Traité de Versailles par la dictature hitlérienne qui vient d'avouer le réarmement du Reich. La S.d.N. est priée d'intervenir pour maintenir le respect des traités.

C'est donc à juste titre qu'on peut parler d'une noble victoire pacifiste des anciens Alliés - des conventions seront prochainement passées, également, avec la Petite-Entente - sur les menaces guerrières de l'éternel Deutschland casqué, masqué, armé pour le massacre et la dévastation qui furent toujours sa seule raison de vivre.

Deux fois en vingt ans, le Germain farouche et sanguinaire a cru l'heure venue d'instaurer son hégémonie infernale. En 1914-18, il dut s'agenouiller devant ses vainqueurs. En 1935, ceux-ci lui ont arraché son épée avant qu'il ait pu la saisir.

Un avenir très proche va nous montrer comment les hommes de proie réussiront à avaler leur rage impuissante.

Fortuny



33. Le Pilori   -  3 juin 1932

p.5 : Gross et les valeurs spirituelles

[Huit paragraphes pas très intéressants]

Ce sont les valeurs spirituelles qui ont créé un désaccord entre Gross et nous. Rira qui voudra : à l'O.P.N. il y eut des chocs terribles, mais toujours sur des sommets.

En réponse à Berra, Gross avait défini les valeurs spirituelles dans une assemblée publique, et je m'étais alors gardé de le contredire. Nous étions en pleine période électorale. On ne fait pas une inspection d'armes au moment d'une bataille.

Selon l'enseignement de Gross, ces valeurs ne pouvaient être que chrétiennes. Le christianisme est à la base de notre civilisation, c'est au christianisme que s'attaquent les Juifs, Francs-Maçons et toute la doctrine marxiste qui tend à diviniser l'individu et à nous donner le paradis sur terre.

En fondant la réaction sur la foi chrétienne, Gross s'est imaginé, à voir l'enchaînement de certains phénomènes, qu'il tenait la vérité. Et je l'envie, si, résolu à penser jusqu'au bout, il n'a été arrêté sur le chemin d'une pensée obstinée que par l'obstacle miraculeux de la foi.

Mais la vérité est peut-être plus complexe. Ceux qui n'ont pas le privilège de posséder la foi iront plus avant dans l'observation des faits et s'apercevront que les valeurs spirituelles, ainsi définies, créent de nouveaux malentendus.

Qu'est-ce que le christianisme ? A son origine, le christianisme a été imprégné de l'esprit juif, c'est-à-dire d'un esprit profondément révolutionnaire. On trouve dans les Evangiles autant d'éléments de désordre qu'il y a d'éléments d'ordre. Historiquement, les chrétiens ont été pour l'ancienne Rome ce que sont les Juifs pour la société moderne. Dirons-nous avec Maurras que l'Eglise, en s'organisant sur le mode hiérarchique, a déchristianisé le christianisme ? Mais ce serait alors condamner la Réforme qui a ranimé les tendances subversives et désorganisatrices des premiers chrétiens. En faisant de la religion le fondement de notre réaction, nous ouvririons la porte à toutes les controverses entre catholiques et protestants.

Et qu'est-ce que la civilisation chrétienne ? Comment ne pas tenir compte de la Renaissance ? N'y a-t-il pas un apport de paganisme et d'hellénisme dans la formation du monde moderne ? Peut-on prendre pour un bloc inébranlable ce qui est fait de parties si diverses ?

Nous ne saurions, quelle que soit notre soif d'idéal, qualifier uniquement de chrétiennes les valeurs spirituelles. Notre action s'en trouverait paralysée. Si on oppose une religion aux Juifs, on accrédite la légende que les Juifs, par l'antisémitisme, subissent des persécutions religieuses, alors qu'il s'agit surtout de se prémunir contre une race inassimilable. Il est faux de dire que les Juifs n'en veulent qu'aux chrétiens. Voyez comme les Arabes les redoutent. Le problème juif est un problème de race et de nationalité, et ce qui nous rapproche le plus des Juifs ce serait précisément la religion.

Nous qui nous flattons de démolir toute la stupide théologie des Loges et de ridiculiser le patois à majuscules du régime démocratique, gardons-nous d'opposer un mystère, si beau, si pur soit-il, à ces faux mystères de la Maçonnerie. Sortons du domaine de la spéculation, où les disputes s'éternisent, et détruisons l'erreur, non avec des vérités transcendantales, mais avec la raison et l'intelligence.

Dans les " Huit thèses " de Gross, certaines affirmations massives soulèvent d'immédiates objections :

" Si l'on ignore quelle est la meilleure vie pour l'homme (philosophie, métaphysique, religion) on ignore quelle est la meilleure forme de la cité (politique). La meilleure forme de cité étant celle où les hommes pourront, suivant les circonstances, atteindre le plus aisément à la meilleure vie. "

Et plus haut :

" Le bien commun d'une cité ou d'une nation consiste en l'organisation la plus propre à assurer à chaque personne la possibilité de vivre conformément à ses fins les plus hautes. "

A cela on peut objecter que ce qui est bon pour l'individu n'est pas nécessairement bon pour la cité ou la nation. L'état monacal, par exemple, est une façon de vivre conformément à ses fins les plus hautes. Voyez-vous une société de trois millions d'hommes menant l'existence des Chartreux ?

Auguste Comte nous a mis en garde contre les errements de l'esprit théologique :

Il y aurait contradiction, dit-il, à penser que l'esprit humain, élevé maintenant à raisonner d'une manière positive sur tous les phénomènes, astronomiques, physiques, chimiques et physiologiques, dût continuer toujours à raisonner théologiquement et métaphysiquement quand il s'agit de phénomènes sociaux. Quiconque a étudié le caractère intellectuel de l'homme sentira qu'il ne peut en être ainsi. Il arrivera donc inévitablement, ou que l'astronomie, la physique, la chimie et la physiologie redeviendront métaphysiques et même théologiques, ce qui serait absurde à supposer, ou que la politique deviendra positive, ce qui est par conséquent indubitable.

Mais alors, demanderez-vous, n'allez-vous pas tomber dans un matérialisme grossier ? Pas le moins du monde. Appliquons notre observation aux phénomènes politiques et tirons les leçons de l'expérience. Les idées jacobines et les folies marxistes sont des offenses à la raison humaine et à l'ordre naturel. Il n'y a pas deux façons de garder ce que nos pères nous ont transmis. La tradition nationale exige de nous un culte de tous les instants. Nous devons distinguer ce qui est durable de ce qui est éphémère. La patrie et la propriété, biens aujourd'hui menacés, sont les conditions essentielles d'une vie sociale harmonieuse. Soyons heureux que nos efforts servent la civilisation chrétienne, mais si nous luttons pour la prédominance des valeurs spirituelles, qu'il soit bien entendu que c'est la prédominance de la sagesse et du sens critique sur les appétits et les idéologies malsaines des ennemis de l'ordre. Ceux qui prétendent qu'un jugement honnête et droit, le sens du réel et l'amour du pays ne peuvent suffire à notre réaction, devraient se rappeler que les mouvements nationalistes qui ont réussi ne s'appuient sur aucune mystique religieuse. Ni Mussolini, ni Hitler, ni les patriotes hongrois n'ont fondé leur politique sur la religion. Ils n'ont pas été chrétiens avant tout. Le fascisme a sauvé l'Italie sans suivre les préceptes de Gross.

Dire que nos buts sont médiocres et que nous avons perdu l'enthousiasme parce que nous ne voulons pas mêler le surnaturel à notre action civique, c'est proprement débiter des sornettes.

L'avenir de Genève, est-ce un objectif si mince ? Le combat contre le marxisme, est-ce qu'il ne sollicite pas toute notre ardeur ? La grandeur du pays, est-ce que ce n'est pas un suffisant idéal ?

Le pays, nous le plaçons au-dessus de tout. Quand Mgr. Petite a voulu sacrifier Genève à l'Eglise, nous avons dénoncé Petite. Et Gross nous a désapprouvé.

Voilà qui en dit plus long que les plus longs discours.

G. O.



34. Réaction   -  18 septembre 1935

p.1: La honte blanche de la S.d.N trahit l'Europe au profit de la honte noire d'Afrique

Nous l'avions prédit, nous seuls, en 1933: pour punir Hitler, les Juifs préparent la guerre.

Ca y est.

Nous avions rappelé les menaces du Congrès juif tenu à Genève et les paroles sanglantes du grand rabbin de New York, Newmann:

"Hilter conduit l'Allemagne a une guerre civile qui sera suivie d'un nouveau conflit mondial dont l'Allemagne ne se relèvera jamais."

Nous y sommes.

Les Juifs ont besoin d'une guerre mondiale de vengeance. La guerre d'Afrique doit mener à celle qui mettra l'Europe à feu et à sang.

OO

Tous les peuples ont reconnu que le bolchévisme est une peste d'Asie.

Même un radical de chez nous, M. Perréard, était obligé de l'avouer l'autre jour au Faubourg. Or, de cette peste, les Juifs en sont les instigateurs, les profiteurs et les maîtres.

Seul l'avocat Aubert de Genève n'a jamais osé le reconnaître. Seuls les Juifs de Suisse osent prétendre à M. Motta que "en tant que Juifs", ils répudient "l'assimilation du bolchévisme au judaïsme".

Est-ce par hasard et non pas par conformité que l'élément juif abonde dans cette "Bourse de la politique" que sont la S.d.N. et le B.I.T. ? Est-ce par incompatibilité avec le communisme que la délégation dite "russe" est composée de ces pustulents hébreux qui frétillent autour de l'Adonis des vieilles filles de la Bavaria, le vieux cambrioleur Finkelstein, dit Litvinoff:

STEIN, ROSENBLUM, ROMM, RIVILINA, GUELFANO, ROSENBERG, CHAPIRO, LORWIL, ABRAMSON, DICKER ?

OO

Ces armées d'Asie, ces barbares haineux de l'intérieur infiltrés comme un virus au milieu de l'Europe, ce millénaire cancer dispose de ses plus purulentes ramifications: la Franc-Maçonnerie et les prétoriens de la Sociale.

Maîtres et valets complotent à Genève le grand coup des races de couleur contre la vieille civilisation blanche, honnie par la sauvagerie des trois quarts de l'univers. Celle-ci compte des centaines de millions qui n'ont qu'une pensée: ECRASER L'EUROPE.

Si l'Europe était saine; si l'agent juif de perversion et de dissolution n'avait pas constitué dans le corps européens ses cellules cancéreuses, on ne rêverait pas, au nom d'une paix meurtrière, d'anéantir un peuple blanc - et quel peuple !- au profit de la nègrerie.

Tout blanc véritable serait aux côtés de l'Italie, foyer originel de toutes les maisons européennes. Il ne pourrait appartenir qu'à un juif, l'exploiteur juif des ouvriers de France, le juif Blum d'avoir ce cri monstrueux:

"IL FAUT ASPHYXIER L'ITALIE."

OO

Mais, comme disait Gaxotte, si Blum qui n'est pas ouvrier, mais juif et millionnaire, si Litvinoff qui n'est pas ouvrier, mais ancien cambrioleur, si Dicker qui n'est pas ouvrier, mais résidu d'Asie et juivaillon de chicane, considèrent comme le vieux juif Marx que "l'ouvrier est fait pour se battre et qu'autrement il ne servirait à rien"; si pour ces hyènes de Sociale et d'Asie, l'ouvrier européen c'est de la chaire à canon pourvu que ce soit au profit de la révolution, des nègres et des jaunes, nous prions, nous, l'ouvrier de considérer que son bien-être est né de la colonisation et qu'il prendra fin avec elle.

OO

Nous rappelons à nos ouvriers bernés que la fameuse "lutte des classes", la course aux salaires politiques n'ont pas peu contribué à l'industrialisation des colonies qui n'étaient autrefois qu'agricoles. Comme l'a montré un savant, l'Europe fut longtemps une plus grande Hellade: contre le produit de son travail, un ouvrier européen recevait le produit du travail de dix indigènes, un ouvrier européen disposait de dix esclaves, tout comme un bon démocrate de l'ancienne Grèce.

Le bien-être de n'importe quel européen, les colonies le lui assurèrent.

La révolte des colonies sera pour nous tous l'avènement de la misère.

On commence à l'apprendre et le mot "crise" signifie que nous l'apprenons.

L'émiettement de l'économie universelle fait qu'aujourd'hui le standard de la vie des ouvriers de couleur entre en concurrence avec le salaire des ouvriers blancs.

C'est l'heure qu'on choisit pour saigner l'Europe et coaliser contre elle tous les barbares. Les ouvriers blancs sont priés par les salauds internationaux de s'égorger pour le triomphe de leurs concurrents noirs et jaunes, lesquels feront ensuite crever de faim ce qui subsistera de la grande tuerie mondiale et généreuse.

OO

Nous lutterons avec acharnement contre cette trahison sans précédent dans l'histoire. On ne nous aura pas vivants.

Nous avons la vieille habitude en écrivant de peser nos mots: nous avisons, avec tout le respect qui convient, le Conseil Fédéral que nous ne nous gênerons pas plus que les démagogues Grimm, Nicole et consorts. Au cas d'une lutte fratricide, même sur le seul plan économique et de ce qu'en langage de dément et de furieux on appelle "sanctions", nous nous efforcerons de paralyser les mesures prises et de susciter la révolution nationale de l'honneur et de la liberté.

[...etc...etc...]

[pas signé]



35. La Suisse   -  2 juillet 1934

p.1 : Le complot de Roehm

Les informations publiées dans la soirée de samedi par le bureau de presse du parti national-socialiste ont donné un récit succinct mais explicite des événements dramatiques qui se sont passés en Allemagne : un certain nombre de chefs des troupes d'assaut du parti nazi avaient comploté de déclencher une nouvelle révolution. Vers quels buts ? C'est ce qu'on ne sait pas encore, mais la tendance politique des chefs conjurés était connue : c'était ce qu'il est commun d'appeler des hommes de gauche.

D'autre part, le général von Schleicher, dans la brève période où il fut chancelier du Reich, avait, on s'en souvient, noué des rapports assez étroits avec les chefs des syndicats marxistes et des syndicats catholiques, ce qui indiquait nettement son intention d'appuyer son pouvoir sur les masses ouvrières.

Enfin, les communiqués de la Maison brune ont parlé de relations qui auraient existé avec la représentation diplomatique à Berlin d'une puissance étrangère, sans toutefois la désigner. On ne voit guère, évidemment, que la délégation soviétique pour nouer des relations de cet ordre.

De ces quelques indications, on peut déduire que la " révolution de palais " que complotait Roehm devait conduire l'Allemagne vers une dictature extrêmement confuse où, à leur tour, les tendances bolchevistes de certains chefs nazis et les militaires qui auraient suivi von Schleicher se seraient disputé le pouvoir.

Sans aucun doute, l'aventure eût été extrêmement périlleuse pour l'Allemagne. Elle pouvait précipiter ce peuple dans un épouvantable chaos, anéantir en quelques semaines le redressement politique intérieur effectué par Hitler et ruiner les premiers efforts du nouveau régime pour l'unification du Reich. Roehm agissait en aveugle s'il croyait pouvoir imposer une révolution de gauche. S'il avait eu raison de Hitler, s'il était parvenu à briser la dictature de la Maison brune, du coup il livrait l'Allemagne à la Reichswehr, aux éléments conservateurs qui mettent encore leur espoir en M. von Papen et peut-être enfin aux Hohenzollern. Car il saute aux yeux qu'en dehors du parti nazi, il n'y a aucune force autre que la Reichswehr qui pourrait sauver l'Allemagne d'une prompte bolchevisation.

Cette révolte des chefs est, certes, un épisode grave dans l'histoire du régime hitlérien, mais ce n'est qu'un épisode. Toutes les dictatures ont eu leurs crises. Mussolini aussi a vu, à certains moments, son pouvoir vaciller. Il a eu assez d'énergie pour le ressaisir et assez d'intelligence pour imposer à son parti les réformes nécessaires. Tout montre que Hitler est encore en Allemagne l'homme le plus fort et qu'il saura procéder à l'épuration profonde qui s'impose dans son parti et dans la milice brune.

Les événements de Munich paraissent bien établir que Hitler est toujours maître du mouvement national-socialiste. Même ceux à qui cela déplaît doivent s'incliner devant cette constatation. En revanche, faut-il déduire de la participation du général von Schleicher au complot de Roehm que la Reichswehr est hostile au mouvement hitlérien ? Ce n'est pas prouvé. Après son bref passage à la chancellerie du Reich, le général, au lieu d'être réintégré à l'état-major, a été " exilé " au commandement de quelque troupe de province. Signe que son influence n'était plus toute-puissante. Très ambitieux, aigri par son échec comme chef du gouvernement, il aura cru trouver l'occasion d'une revanche en s'associant au complot de Roehm avec l'espoir, sans doute, d'accaparer le pouvoir en cas de succès. Equipée qui devait lui être fatale, ainsi qu'à sa femme, mortellement blessée dans un dernier mouvement généreux.

Reste M. von Papen. Le vice-chancelier figure assez bien le Talleyrand, l'homme " qui sert tous les régimes, mais qui ne s'écroule pas avec eux ". Aujourd'hui encore, en dépit de son discours de Marburg, il représente, grâce à l'appui du maréchal Hindenburg, une puissance avec laquelle Hitler doit compter, mais le sort de Roehm et de von Schleicher lui inspirera de salutaires réflexions.

Hitler n'est s'est pas improvisé Führer. Pendant quatorze années, il a médité, préparé et organisé méthodiquement son plan politique. Aux prises avec les réalités, il sait que les premières années de dictature réservent plus de déceptions que de satisfactions, mais l'expérience fasciste lui a aussi enseigné que pour réaliser, il faut avant tout durer, si dramatiques que puissent être parfois les soubresauts du régime.

Quand on a vu si souvent enterrer le régime soviétique, quand on a entendu cent fois prédire la chute imminente de Mussolini, on serait impardonnable de croire que la révolution de Roehm, si impitoyablement châtiée qu'elle ait été, annonce la fin du régime hitlérien.

René BAUME.



36. La Suisse   -  12 juillet 1934

p.1 : Au jour le jour

Je ne suis pas de ces gens qui déjà s'imaginaient, tout réjouis, que M. Hitler, le Führer en fureur, produit de l'autruchisme des gouvernants du monde ", comme on a justement pu dire de ces suprêmes impuissances, allait subir le sort de ces meilleurs collaborateurs escamotés le 30 juin.

Pour se faire peut-être nommer agent de la Sûreté à Genève.

Personne, d'abord, ne sait exactement ce qui se passe en Allemagne.

Mais il serait injuste de méconnaître que M. Hitler (qu'on prononce comme on voudra) a tout de même son bon côté, si j'ose écrire.

Ce fils d'Aristide Briand et d'un douanier de Brunau (Haute-Autriche) interdit aux femmes allemandes de fumer.

Je serais Führer un jour que les femmes ne fumeraient pas non plus à Genève.

Je les aime bien trop pour les livrer à cette funeste passion.

D'autre part, une commerçante de Brême qui avait " mouillé " son li...son lait, -rectification - plus exactement celui de ses vaches, fut exposée en public, liée à un pi...pilori. Et l'exposition attira toutes les ménagères trompées par la commerçante qui se vengèrent en l'injuriant.

Nos " autorités " se contentent de faire condamner à une petite all...amende les commerçants malhonnêtes qui empoisonnent leurs clients.

Comme ça coûte trente francs aux chauffards pour écrabouiller chez nous des passants.

Qu'à présent M. Hitler disparaisse, par qui le remplacerions-nous ? (nous, c'est une façon de parler, à moins qu'un jour - lointain - nous ne mettions la main sur l'Allemagne). Par de nouveaux finasseurs qui bien vite rerouleraient les stupides dits plomates grâce auxquels le monde patauge dans un si complet pétrin ?

Pour la grande joie, c'est vrai, des caïmans pacifistes gavés de fonds secrets de France.

Avec M. Hitler, nous savons au moins ce que nous avons. Il a même, si j'ose encore écrire, réussi à " se mettre à dos tout le monde ".

Compris nos grands journaux confédérés, dont la " Berner Bund ", annonça Radio-Paris, poste gouvernemental, frappés d'interdiction pour six mois.

Aussi faudrait-il être espérantiste au dernier degré, je pense à mon ami le Privat d'Inde, pour avaler des bobards bêtes comme le prétendu complot contre Hitler ourdi par la France de M. Barthou avec le général von Schleicher.

Minés par leurs défaitistes, les Anglais sur qui l'on ne peut guère compter mais avec qui l'on doit compter toujours refusent pour l'heure les garanties militaires propres à redonner confiance chez eux-mêmes, partant à ramener la prospérité partout. Il est par conséquent prudent, si paradoxal que cela puisse paraître, de conserver M. Hitler dont le maintien au pouvoir équivaut à une assurance de paix.

Sans plus aucun crédit, sa situation ne lui permet pas de faire la guerre.

Il ne l'a fait qu'à ses compatriotes.

Pas tous autrichiens.

Accepterions-nous, fiers Genevois comme nous sommes, d'être gouvernés par des hommes qui ne seraient même pas de Genève ?... Même pas de Plainpalais ?...

Mais, autres pays, autres vues : " Pendant la guerre, écrit un confrère de Bruxelles, les Allemands tuaient chez nous, fusillaient, massacraient. A l'indignation du monde, ils répondaient avec un air innocent, si l'on peut dire : Das ist Krieg ! Nous nous demandions si, non contents de nous assassiner, ils ne se fichaient pas de nous par-dessus le marché. Aujourd'hui nous pouvons dire : " Ils étaient sincères. " Et nous constatons avec satisfaction ( ?) que la vie d'un Allemand n'a pas plus d'importance pour eux que celle d'un Belge. "

En tous cas, pendant que nos amis Allemands s'entretuent, ils ne pensent pas à faire de la casse chez les voisins.

ZED .



37. La Suisse   -  27 juillet 1934

p.1 : L'alarme autrichienne

La réaction provoquée par l'assassinat du chancelier d'Autriche a été prompte et vive dans les grandes capitales européennes. Un sentiment d'horreur profonde a été soulevé par les circonstances dramatiques dans lesquelles M. Dollfuss a perdu la vie.

On sait maintenant que le national-socialisme autrichien a joué la partie du désespoir, ajoutant à la fourberie, l'ignominie et la lâcheté.

La propagande extrémiste, dans un peuple pourtant accablé de souffrances, n'a pas produit les fruits qu'escomptaient les nazis. Tenu en mains par les forces chrétiennes-sociales et par celles de la Heimwehr, l'ensemble du peuple autrichien s'est prononcé clairement pour le régime Dollfuss, ne laissant aux nazis aucun espoir de l'emporter. Et les attentats terroristes, innombrables, n'ont pas entamé la confiance de l'Autriche dans l'avenir de son indépendance.

Les partisans du national-socialisme ne pouvaient plus compter qui sur un coup d'audace. Ils l'ont perpétré mercredi en usant d'abord de la fourberie pour donner le change au service de garde à la Chancellerie et pénétrer dans la place sous l'uniforme de l'armée et de la police. Ils ont recouru ensuite au mensonge, faisant répandre par la T.S.F. la nouvelle de la démission du gouvernement. Puis ayant abattu le chancelier, le principal pilier de la résistance, ils sont tombés dans l'ignominie, laissant un blesser agoniser plusieurs heures sans lui accorder l'aide d'un médecin ni d'un prêtre. Enfin, il ne leur restait plus qu'à sombrer dans la lâcheté et ils s'y sont précipités, capitulant pour sauver leur peau. Mais le chancelier ayant succombé à ses blessures, les terroristes nazis auront à répondre de leur crime devant une Cour martiale au lieu d'aller, comme ils l'espéraient, jouer les " héros " en Allemagne.

Les nazis d'Autriche et ceux d'Allemagne se sentaient si étroitement solidaires que le représentant du gouvernement de Berlin à Vienne n'a pas hésiter à servir d'intermédiaire aux terroristes pour " négocier " avec le gouvernement autrichien leur transfert en Allemagne.

A Berlin, on a vite compris combien il pouvait être dangereux par la suite d'affirmer la moindre solidarité avec les assassins du chancelier Dollfuss et le diplomate allemand trop zélé a été cassé aux gages, dans le même temps où le gouvernement du Reich faisait savoir qu'il n'autoriserait pas les insurgés à se réfugier sur son territoire.

Il faut voir là l'empressement de l'Allemagne à se laver les mains d'un attentat qui soulève une réprobation universelle. Et si, encore une fois, la participation directe d'éléments allemands dans les coups de main de mercredi n'est pas établie, il n'en reste pas moins que la complicité des nazis allemands dans les attentats terroristes qui ont précédé la journée tragique du 25 juillet est prouvée, ne serait-ce que par la saisie d'explosifs opérée samedi par la police saint-galloise.

Personne d'ailleurs ne s'y est trompé et la mort du chancelier Dollfuss a été considérée partout comme le point culminant de la série d'attentats par lesquels les nazis ont cherché à intimider l'Autriche pour mieux la dominer.

Aussi, les grandes puissances résolues à sauvegarder l'indépendance de la République autrichienne n'ont-elle cessé, quand elles entendaient se faire bien comprendre, de s'adresser à Berlin.

Jusqu'ici, il faut le dire, les puissances garantes ont été d'une insigne faiblesse et quand M. Dollfuss parlait d'évoquer devant le Conseil de la Société des Nations l'inadmissible pression exercée par l'Allemagne hitlérienne sur son pays, on le pressait, à Londres, à Paris et à Rome de n'en rien faire et de s'en remettre à l'effet que ne manquerait pas de produire quelque démarche diplomatique à Berlin.

Aujourd'hui que le chancelier Dollfuss a payé de sa vie cette politique de faiblesse, l'avertissement a été compris et, en Italie tout au moins, le gouvernement s'est résolu à faire comprendre à l'Allemagne le seul langage que décidément elle semble disposée à comprendre : le langage de la force. Des troupes italiennes, en effet, sont concentrées à la frontière et l'Allemagne saisira cette fois que la moindre menace de sa part vis-à-vis de l'Autriche provoquerait l'intervention de l'armée italienne.

Cette démonstration suffira, il faut l'espérer, à faire reculer le Troisième Reich dans son entreprise dangereuse pour l'Autriche, mais à condition, naturellement, qu'elle ne soit désapprouvée ni à Paris ni surtout à Londres, car la moindre faiblesse de l'Angleterre en ce moment pourrait avoir des conséquences graves.

Etant donnée la situation intérieure de l'Allemagne, il n'y a pas de risque que la situation s'aggrave si le gouvernement de Berlin se rend compte qu'il aurait en face de lui l'Angleterre, la France et l'Italie bien décidées à l'arrêter à temps.

Mais l'heure réclame de la fermeté.

René BAUME.



38. Le Travail   -  8 mars 1933

p.1: En Allemagne. Moitié contre moitié

Après avoir semé la terreur, muselé la presse, emprisonné ses adversaires et interdit leur propagande, après avoir accusé des pires crimes ceux qu'il empêchait de se défendre, après avoir monopolisé tous les moyens de réclame et la puissance de l'Etat, après avoir intimidé et même expulsé les correspondants de journaux étrangers, Hitler n'a pas réussi à convertir à son parti la moitié du peuple allemand.

Ces élections, faussées d'avance en sa faveur, lui donnent 17 millions de suffrages sur un peu moins de 40 millions. Il n'obtient la majorité à la raclette qu'avec le concours des trois millions de conservateurs impérialistes.

Les socialistes maintiennent leurs positions, avec 7 millions de voix, les catholiques également avec 4 millions et demi. Si les communistes perdent un million de voix, c'est qu'ils sont déjà hors la loi ou à peu près. Ils descendent un peu au-dessous des 5 millions, mais se maintiennent en Prusse, et tout particulièrement à Berlin.

Les quatre millions de voix gagnées par les nazis sont celle d'électeurs nouveaux, attirés par l'appel sentimental et persistant d'une propagande unique. Beaucoup d'Allemands aussi veulent voir ce qu'Hitler peut faire et pensent mieux éviter la guerre civile en donnant au parti le plus fort l'occasion d'employer le pouvoir qu'il était résolu à garder en tous cas.

Ceux qui ont entendu par radio le dernier discours du chancelier nazi à Koenigsberg, avec son accompagnement de cantiques, de cloches d'églises et de tambours militaires, ont reconnu sans peine une maladie qui n'est pas spécifiquement allemande.

Nous l'avons vu fleurir en Suisse depuis des mois. Elle consiste à traiter ses adversaires les plus démocratiques et les plus constitutionnels de "Landverraeter" (traîtres au pays), à faire appel à la violence et au sentiment patriotique pour écraser les ennemis de l'intérieur et intimider ceux de l'extérieur et à badigeonner de cette boue sanglante un Seigneur Dieu qu'on annexe à son parti en le coiffant d'un casque à pointe.

La moitié du peuple allemand n'a plus le droit d'être allemande ni de vivre. Pendant quatorze ans, elle n'a fait que trahir et humilier la patrie. Et maintenant Adolf Hitler est là pour effacer cette honte et ramener l'Allemagne vers la gloire, l'honneur et la prospérité.

Sur les hommes qui causé les ruines d'il y a quatorze ans et entraîné leur peuple dans la dernière aventure, pas un mot, sauf une protestation indignée contre le "mensonge des responsabilités de la guerre".

Pendant une heure et demie, dans toutes les rues des grandes et petites villes de Prusse, les haut-parleurs ont répandu cette éloquence criarde et larmoyante avec son appel à la force et son accompagnement de fanfare.

Hitler promet à ses concitoyens une Allemagne glorieuse et satisfaite comme si elle était toute seule au monde et tout ce qu'il offre comme moyen d'y arriver, c'est la suppression d'une moitié du peuple allemand par l'autre. C'est un programme vraiment trop maigre. Il a dû s'apercevoir avant-hier qu'il est même irréalisable. Il faut trouver autre chose.

Sans doute Hitler peut détruire énormément de choses pendant son passage au pouvoir, qu'il prolongera par l'intimidation. Il peut changer les couleurs du drapeau, rétablir le rouge, blanc, noir impérial au lieu du rouge, or, noir républicain.

Il peut détruire la Constitution de Weimar, obliger les tribunaux à se mettre à son service, supprimer la liberté de presse et de parole et même brouiller l'Allemagne avec tous ses voisins. De cette manière il aura effacé l'oeuvre des quatorze années de république; mais ce travail de pure démolition n'aura pas donné du travail aux chômeurs ni du pain aux affamés.

Son système d'entretenir des bandes armées en échange d'une maigre pitance rappelle un peu celui des empereurs romains de la décadence. Il peut occuper une partie de la jeunesse, mais pas résoudre le problème social d'une manière durable.

Quant à la situation internationale de l'Allemagne, elle est singulièrement affaiblie depuis quinze jours. L'Angleterre est très refroidie. La Russie, qui était la seule puissance liée par un accord diplomatique (le Traité de Rapallo) est complètement aliénée, alors qu'elle se rapproche de la France et de la Pologne.

Il ne reste que l'Italie, et l'expérience de 1915 a montré aux Allemands qu'il ne faut pas se faire trop d'illusions de ce côté-là. Nous voyons fort bien tout ce que les nazis peuvent accomplir en fait de casse en Europe comme en Allemagne. Mais c'est la partie constructive qui manque pour justifier ce grand enthousiasme.

Edm. P.

 



39. Le Travail   -  18 mars 1933

Billet quotidien: Alerte aux hébreux

L'avènement de Hitler et l'instauration de la terreur en Allemagne servent trop bien les intérêts des hobereaux capitalistes et des munitionnaires pour qu'on y voie autre chose qu'une diversion salutaire au maintien du régime. Comme chacun des "fuehrer" qui l'ont précédé, Hitler désigne à la vindicte publique un certain nombre de "responsables" de la crise actuelle. Ce sont d'abord les marxistes. Il paraît, à lire la presse hitlérienne et hugenbergeoise, que les marxistes ont provoqué le chômage, la misère, le marasme général des affaires germaniques.

Puis il y a les Juifs.

C'est contre les Juifs que les régimes politiques défaillants ont toujours tenté de tourner la colère populaire. Les exemples en abondent dans l'histoire de l'Europe. Le "peuple maudit de Dieu" a pleuré des larmes de sang à chacune des tragédies historiques qu'ont jouées les peuples occidentaux. Les véritables responsables des drames économiques ou politiques ont rejeté sur Israël tous les crimes dont ils s'étaient eux-mêmes rendus coupables. La méthode est commode et infaillible. Le ressentiment des peuples doit être apaisé. A certaines phases de notre évolution, il ne peut s'apaiser que dans le sang. Les citoyens d'un même pays hésitent à s'entre-déchirer, et la guerre civile ne se déchaîne qu'après d'atroces convulsions. Il est beaucoup plus facile d'accumuler sur la tête d'individus qui paraissent appartenir à une race étrangère des rancunes farouches et des haines sanguinaires. Les Juifs sont là pour servir d'holocaustes.

Le capitalisme aux abois ne pouvait manquer de recourir à ce suprême atout. La responsabilité des Juifs, voilà qui permet de satisfaire à la fois nos rancunes commerciales et nos haines sentimentales. Le chrétien accomplit oeuvre pie en détruisant la race maudite. Le commerçant fait une excellente affaire en supprimant un concurrent dangereux. La foi et l'intérêt bien compris se concilient dans le moment où un Hébreu est jeté aux bras de Jahvé. L'hitlérisme demeure donc parfaitement conséquent avec lui-même en poursuivant les Juifs. Ceux-ci, comme aux plus mauvais temps du tsarisme fuient le browning hitlérien ainsi qu'ils fuyaient le knout moscovite. On promène dans les rues de Berlin de pauvres hères aux cheveux crépus, tout comme la Sainte-Hermandad promenait dans Madrid les voleurs israélites.

Et les Juifs, que l'on prétend si puissants, ne réagissent point. Leur puissance est donc toute fictive, et elle n'a fait que servir d'épouvantail. A ses crimes innombrables, le capitalisme occidental ajoute un crime nouveau, le plus honteux, le plus ignoble, puisqu'il lance contre des gens désarmés une plèbe avide de carnage.

Serions-nous, en Suisse, à l'abri de telles ignominies ? J'en doute. L'individu Oltramare, dont la valeur morale a été maintes fois appréciée, a trouvé ingénieux et rémunérateur de combattre les Juifs. Il n'a fait qu'une seule exception, en faveur de certains commerçants genevois, auquel il a donné, de manière suspecte, un brevet de patriotisme. Il s'est rencontré - la vie a de ces ironies - que ce seul Juif patriote a eu des comptes à rendre à la justice de son pays. L'action antisémite du sieur Oltramare, pour ridicule qu'elle ait paru, et pour singulier qu'en semblassent les mobiles, n'en a pas moins marqué une phase nouvelle de l'agitation réactionnaire en Suisse. Israël n'a qu'à bien se tenir. Le capitalisme helvétique n'hésitera point, le moment venu, à user des méthodes qu'emploie l'hitlérisme.

E.



40. Le Travail   -  23 mars 1933

p.1: A Leningrad

- Un demi-million d'écoliers et de pionniers participeront cette année aux excursions organisées dans les environs par le Centre d'éducation politique.

- Le premier Institut pansoviétique contre la fièvre aphteuse vient d'être inauguré dans une des îles du lac Sémiyef; il est muni de tout l'outillage le plus moderne et dans des ateliers qui lui sont adjoints, on fabrique en quantités industrielles les médicaments et sérums propres à combattre ce fléau.

- Deux expositions ont été consacrées à Wagner à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort.

- La Centrale du livre se dispose à expédier dans la région 950,000 brochures relatives à l'agronomie technique, indiquant aux paysans les procédés les plus rationnels pour les semailles du printemps.,

- Dès le mois de mai, la liaison aérienne sera étable entre Léningrad et Stokholm; un service quotidien fonctionnera régulièrement entre ces deux villes.

[pas signé]



41. Le Travail   -  4 juillet 1934

p.1: Les événements d'Allemagne. L'arrière-pensée de Hitler et Goering, ( De notre correspondant spécial.)

La plupart des chefs suprêmes des troupes d'assaut ont été fusillés dans toutes les parties de l'Allemagne sur l'ordre direct de Hitler et de Goering. on a dû nommer comme chef d'état-major Lutze, un individu presque inconnu jusqu'ici parmi les sous-chefs nazis. Il semble qu'il ne reste pas au "Führer" beaucoup des anciens fidèles qui ont organisé le fascisme allemand à côté de Hitler depuis on premier putsch en 1923.

"Une conjuration antihitlérienne qui était en train d'éclater", déclare-t-on dans les milieux officiels. les conjurés auraient déjà donné l'ordre aux troupes d'assaut de s'emparer de la rue. "Hitler est contre nous, la Reichswehr est contre nous, descendez dans la rue" aurait été le mot d'ordre. Et comment Hitler et Goering réagissent-ils ? Ils font arrêter la plupart des généraux des troupes d'assaut à Munich et d'autres dans le Reich au même moment. Tout de suite après leur arrestation tous ces chefs sont fusillés. On parle officiellement de plusieurs suicides dans les prisons. Mais on se souvient trop des "suicides" dans les camps de concentration et de ceux des adversaires du régime actuel, qui furent "fusillés dans leur fuite", pour ne pas savoir de quoi il s'agit.

Pourquoi ces exécutions immédiates ?

Il y a des lois en Hitlérie qui prévoient déjà la peine capitale pour chaque tentative de haute trahison. Il y a même des tribunaux spéciaux ("Tribunal du peuple" à Berlin) qui auraient pu traiter et juger sur le champ chaque cas d'un "crime contre le peuple allemand". Au sein du Parti nazi il existe également une juridiction spéciale qui peut condamner les coupables sans aucun arrêt. Enfin, il y aurait eu la possibilité d'instituer, en cas d'une insurrection, des tribunaux militaires qui auraient pu juger, condamner à mort et faire exécuter les accusés dans les vingt-quatre heures. Toutes ces possibilités étaient ouvertes aux maîtres de puissance actuels. Mais au lieu de cela, les Hitler et Goering se sont servis d'autres méthodes. Ils ordonnent l'exécution immédiate de la plupart de leur sous-chefs, sans aucune délibération d'un tribunal quelconque tout en accompagnant ce sinistre spectacle par des communiqués de presse officiels et par des rapports détaillés radiodiffusés.

Pour comprendre ces méthodes, autant cruelles que surprenantes, il faut se demander quelles sont les raisons qui ont obligé les chefs nazis à agir d'une telle manière.

Quelle était la véritable situation avant cette soi-disant conjuration ?

D'abord il est certain que quelques-uns des chefs nazis étaient - par leur passé - un poids de la politique extérieure de l'Allemagne. A plusieurs reprises des milieux anglais et américains ont proposé au chancelier de se débarrasser de ces hommes qui étaient ou des homosexuels (Roehm) ou des meurtriers jugés par un tribunal (comme Heines et Killinger, meurtriers du ministre Rathenau). Dernièrement encore Mussolini aurait demandé au "Führer", à Venise, de se séparer de ces anciens amis.

En second lieu, il y a encore cette question de la politique étrangère: les troupes d'assaut ont empêché toute discussion sur les plaintes concernant le réarmement allemand. De l'autre côté, il aurait été impossible de dissoudre les S.A. par un simple décret, non seulement à cause des ambitions des généraux des troupes d'assaut (y compris le chef d'état-major) mais aussi à cause de l'indignation énorme qu'aurait causé une telle mesure chez les miliciens eux-mêmes. Enfin, il y a encore un troisième fait à constater, le danger d'une "révolution" des nazis désabusés. Evidemment, le mécontentement était fort dans les milieux des troupes d'assaut. Aucune des promesses qui furent données aux membres du parti et aux masses populaire n'a été tenue par le fascisme allemand. La situation économique empirait chaque jour.

Mais ce mécontentement, si général qu'il fût, n'était pas organisé. Les représentants des groupes mécontents n'avaient pas encore eu l'idée concrète de commencer cette révolution des nazis désabusés. Ainsi le danger d'une émeute de "gauche" n'était, en réalité, qu'un danger abstrait et futur.

C'est - d'après notre opinion - pour prévenir toute action possible du côté des éléments désabusés du Parti hitlérien et, en même temps, pour se débarrasser de tous ceux des sous-chefs nazis qui pesaient sur la politique étrangère de la dictature allemande que les Goering et Hitler ont pris l'offensive.

Mais pour se débarrasser des troupes d'assaut il faut avoir des prétextes. Et, encore une fois on se sert

des méthodes qui ont réussi avec l'incendie du Reichstag

Regardons de près le programme d'après lequel le "Führer" et ses complices ont agi. La presse parisienne en donne quelques détails: au cours de la semaine passée des lettres furent écrites et envoyées - à l'instigation de Goering - à tous les chefs dont on voulait s'emparer, en les appelant à une réunion importante à Munich. Pour leur faire croire qu'il pensait être encore en sûreté le "Führer" entreprenait un voyage d'inspection dans les camps de travail en Westphalie. Pendant la nuit du 29 au 30 juin Hitler se rend subitement en avion de Bonn à Munich pour faire arrêter tous les chefs réunis, en annonçant qu'il s'agissait d'une révolte et qu'il était forcer de réprimer, avec vigueur, cette insurrection. Ensuite,

tout se développe d'après un plan bien organisé

Toutes les mesures nécessaires sont déjà préparées comme à l'occasion de l'incendie du Reichstag: le reste des sous-chefs "compromis" qui vient d'arriver est arrêté en descendant des trains à la gare de Munich.

Tout de suite après l'arrestation, les frontières allemandes sont fermées non seulement pour le trafic des personnes mais aussi pour les téléphones et les télégrammes. Le général Goering (et non le ministre de la propagande Goebbels) donne les déclarations à la presse étrangère.

Le propagandiste Goebbels qui accompagnent le chancelier à son voyage d'"inspection" fait personnellement les rapports officiels pour le public. Et ces rapports constituent déjà, en eux, des preuves suffisantes pour notre thèse, que nous nous trouvons en face d'une deuxième grande provocation des maîtres de la dictature allemande qui ont voulu créer un prétexte pour se débarrasser des sous-chefs inopportuns et de la plupart des troupes d'assaut.

Ces rapports officiels sont - comme s'exprime la "Prawda" - "des documents historiques et leur auteur mérite l'immortalité. Leur rôle était de cacher le sens politiques des événements." Le communiqué officiel ne donne aucun détail sur la soi-disant conjuration des chefs infidèles qui menaçait d'éclater. Au lieu de cela on se contente de reprocher à ces individus le fait qu'ils étaient homosexuels (fait connu en Allemagne depuis 15 années). D'autre part on est obligé d'avouer que les conjurés se trouvaient, lors de leur arrestation, au lit ! Chose étrange: une révolte est en train d'éclater, mais les conjurés principaux se trouvent au lit. Une heure après ils sont fusillés.

Y.A.