REYMOND Marc





Travail de certificat




Histoire et épistémologie de la géographie


Prof. Raffestin





Quelques récits de voyages en Chine aux XIIIème et XIVème







1. Introduction

Le but de ce travail est d'examiner quelques récits de voyages en Chine que nous ont laissés des auteurs du Moyen Age, et plus particulièrement ceux de Jean du Plan de Carpin et de Guillaume de Rubruk. Il s'agit avant tout de voir ce que ces auteurs apportent (ou auraient pu apporter) de nouveau, d'un point de vue géographique, à la connaissance de l'Extrême-Orient par l'Extrême-Occident.

Les voyageurs dont nous avons choisi d'étudier les textes forment un groupe assez homogène: ils sont issus d'une aire géographique limitée (France, Italie, Saint-Empire...), et surtout ils appartiennent tous à l'Ordre franciscain. D'autre part ils ont pour point commun d'être tous partis en direction de l'Orient; cependant leurs itinéraires et leurs points d'arrivée varient. Nous parlons quand même de voyage "en Chine", ce qui au premier abord peut apparaître imprécis; en effet la Chine désigne un ensemble politique fluctuant, une aire géographique étendue et très diverse qui comprend une multitude d'ethnies avec leurs langues, leurs cultures, etc. Nous verrons avec les descriptions de nos voyageurs de quelle Chine il s'agit, car assurément la Chine de Plan de Carpin, la Mongolie, n'est pas la Chine où débarque Odoric de Pordenone, à Canton. Nous adoptons donc une définition extensive de la Chine, qui permet de trouver un dénominateur commun à nos voyageurs.


2. Les précédents des rapports entre l'Orient et l'Occident

Les rapports entre l'Extrême-Orient et l'Extrême-Occident ont des précédents loin dans le temps, des rapports que symbolise ce qu'il est convenu d'appeler la Route de la soie. Evidemment il n'est pas qu'une Route de la soie; il y en a beaucoup, qui suivent des itinéraires fort différents. De plus ces routes, essentiellemnt commerciales, voient passer bien d'autres choses encore que de la soie; ce commerce est essentiellement basé sur trois types de produits: les métaux (or, argent, cuivre, étain, plomb, "acier"...), les textiles (soie, coton, laine...), les épices (poivre, cannelle, girofle...).

L'existence de contatcs commerciaux réguliers entre Extrême-Orient et Extrême-Occident est bien attestée depuis les débuts de l'Empire romain; Pline, dans un passage souvent repris, dénonce ce commerce avec l'Inde1 qui appauvrit l'Empire et ne sert qu'à alimenter, sans les rassasier, les appétits de luxe de l'oligarchie romaine 2. On peut aussi rappeler les nombreuses monnaies romaines retrouvées dans le sud de l'Inde et dans la péninsule indochinoise, ainsi que l'ambassade romaine envoyée en Chine vers 165 ap. J.-C. par Marc-Aurèle, ou encore la connaissance (et plus encore son utilisation) du régime des moussons 3

A cette époque le commerce entre l'Empire romain et la Chine suit deux itinéraires principaux: l'un est entièrement maritime, passant par la mer Rouge, le golfe d'Oman, descendant la côte ouest de l'Inde, remontant sa côte est et empruntant le détroit de Malacca pour enfin remonter sur Canton 4. L'autre itinéraire est maritime jusqu'à l'embouchure de l'Indus, comme le premier, mais de là il remonte ce fleuve jusqu'au nord de l'Inde, puis, par Tachkent, franchit les Pamirs, arrive sur Kashgar, contourne le bassin du Tarim par le nord ou par le sud, pour arriver sur le Fleuve Jaune. Ce deuxième itinéraire ne fait que se greffer sur les routes qui relient la Perse à la Chine, mais l'état d'hostilité qui règne généralement entre la Perse et Rome explique que cette dernière doive contourner son ennemie, la bifurcation s'effectuant vers Balkh, dans le Turkestan afghan 5. Notons encore que les commerçants ne sont en général ni des Romains ni des Chinois, et que les uns n'entrent donc pas au contact des autres (avec de très rares exceptions: les ambassades). C'est un commerce qui s'effectue en petites quantités, avec des produits très divers qui sont échangés, vendus et achetés au gré des multiples étapes (en mer, d'une manière générale, on fait du cabotage). En fait, c'est un commerce marginal qui vient se superposer à un commerce à plus courte distance; pour paraphraser Braudel, on peut dire que ce "dernier étage de l'économie" est très mince 6. La situation est donc très différente de celle qui s'installera par la suite, à l'ère des Compagnies, situation dans laquelle les importations de Chine sont acheminées sans escales jusqu'en Europe, et où l'on peut parler d'un commerce direct, à longue distance, entre la Chine et l'Europe et d'un capitalisme propre à ce commerce7.

Dans ces conditions, la vision européenne antique de la Chine ne peut être que dérisoire, et ce que nous disent les géographes grecs ou romains du pays des Sères est négligeable, leur vision ne s'étendant au mieux que jusqu'à l'Inde, Taprobane (Ceylan) ou la Chersonèse d'Or ( la presqu'île de Malacca). Encore ne s'agit-il que d'itinéraires maritimes, de périples, qui n'apportent pas de témoignages directs sur l'intérieur des terres. A cette époque les connaissances géographiques de l'Asie sont donc très approximatives, et les dimensions données à ce continent, comme à l'Afrique et à l'Europe d'ailleurs, sont très réduites. A cela s'ajoutent des présupposés théoriques qui faussent considérablement la vision de l'Orient. Ainsi la croyance du grand océan extérieur qui baigne tous les continents et les sépare les uns des autres aboutit à créer des mers là où il n'en existe pas; l'Asie et l'Europe se voient séparés par les Palus Méotides, prolongement de la mer Noire qui va presque jusqu'à la mer du Nord. D'autre part les zones climatiques considérées comme inhabitables sont très étendues: certains auteurs nous disent que l'Irlande est inhabitable parce que prise dans les glaces; de même pour le nord de l'Europe et de l'Asie, la Scythie, qui est considérée comme un no man's land ( ou comme peuplée de monstres). Et l'on verra chez certains de nos voyageurs médiévaux à quel point ces idées sont restées ancrées dans les esprits, dix, quinze siècles plus tard.

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, l'Europe ne développera pas ses connaissances de l'Extrême-Orient, le commerce et les communications en général tendant à diminuer, ce qui sera de plus en plus marqué avec les invasions; pour notre sujet la plus notable de ces invasions est l'expansion musulmane dans la Méditerranée et en Orient. Il faudra attendre l'expansion des villes commerciales italiennes (Amalfi, Venise, Gênes, Pise...) pour que les Européens puissent à nouveau fréquenter la Méditerranée, et il faudra attendre la suprématie vénitienne, consacrée par la quatrième croisade (1202-1204), pour que les Européens dominent à nouveau les routes maritimes méditerranéennes vers l'Orient. Dans un premier temps la plus importante de ces routes sera celle qui, par les Détroits, aboutit en mer Noire où sont les comtoirs vénitiens et gênois de La Tana et de Caffa.


3. La reprise des contacts

Au XIIIème siècle les contacts directs entre l'Orient et l'Occident vont reprendre, dans un premier temps, par la voie la plus septentrionale, qui passe au nord de la Caspienne. C'est cela que nous allons regarder à travers les récits de voyage de Jean du Plan de Carpin, de Guillaume de Rubruk, et accessoirement d'Odoric de Pordenone, et plus accessoirement encore de quelques lettres envoyées de Chine par des missionnaires. Nous laissons volontairement de côté Marco Polo, ce qui ne nous empêchera pas de l'évoquer, car son oeuvre est incomparablement plus connue que celles des autres. Nous avons jugé plus intéressant de regarder d'un peu plus près ces voyageurs méconnus, si ce n'est inconnus, ces "précurseurs de Marco Polo" comme les appelle Albert T'Serstevens 8 (qui malgré lui, par le titre même de son ouvrage, trahit tout le poids de Marco Polo: les précurseurs ne sont importants, comme saint Jean-Baptiste, que par celui dont ils annoncent la venue).

Pour les textes de Jean du Plan de Carpin et de Guillaume de Rubruk nous nous réfererons au texte intégral édité par Albert T'Serstevens dans l'ouvrage que nous avons cité au paragraphe précédent. Pour les autres nous avons utilisé l'ouvrage de Ninette BOOTHROYD et Muriel DéTRIE: Le voyage en Chine...9

Jean du Plan de Carpin est le premier voyageur du Moyen Age qui nous ait laissé le récit de son voyage en Chine, ou plus précisément en Mongolie car il n'a pas été plus loin que la région d'Oulan-Bator. Plan de Carpin est italien d'origine, et l'un des premiers disciples de saint François. Il est un représentant de ce nouveau courant qui traverse la chrétienté, un courant de pauvreté, d'humilité et de chasteté, un courant qui est en rupture avec les fastes du monachisme féodal de Cluny ou Cîteaux, et avec ceux du monachisme militaire de l'Ordre du Temple ou de l'Hôpital. C'est un courant puissant, soutenu par la papauté qui cherche à restaurer le christianisme en extirpant nicolaïsme et simonie (en clair: en disciplinant le clergé, et en le détachant du pouvoir laïque), et qui cherche aussi à se rapprocher de la base, par une meilleure instruction des clercs et des laïcs, ce qui passe par une campagne de prédication systématique 10. L'Ordre franciscain et l'Ordre dominicain participent à ce grand mouvement, ils en sont même le fleuron, et c'est eux qui apporteront les grands prédicateurs et les grands érudits de cette période. Ils seront chargés d'évangéliser les chrétiens en profondeur (d'ailleurs l'Ordre dominicain est une réaction directe à "l'hérésie cathare"). Ce n'est donc pas un hasard si le pape, Innocent IV. décide d'envoyer des ambassades composées soit de franciscains soit de dominicains; ces deux ordres sont encore jeunes mais leurs succès sont foudroyants et leur dévouement pour la chrétienté est sans faille.

Cependant l'origine de ces ambassades, celles de Plan de Carpin et de Guillaume de Rubruk, est avant tout diplomatique: ce sont des missions de renseignement et de paix plus que d'évangélisation; en effet les Mongols se font de plus en plus pressants aux portes de l'Europe: ils ont dévasté la Pologne et la Hongrie et ont même atteint la côte dalmate. La mort du Grand Khan Ogodaï (le 11 décembre 1241) met brusquement fin à la vague d'envahisseurs car les chefs doivent retourner à la cour impériale pour élire le successeur sur le trône mongol. Le pape décide alors d'envoyer une mission de paix, dont le but premier est d'éviter que les Mongols lèvent l'étendard contre l'Occident, mais qui devra aussi essayer de convertir le Grand Khan au christianisme (ce qui aurait été une manière de garantir la paix). D'autre part cette mission devra aussi recueillir un maximum de renseignements sur ces peuples mal connus, afin d'évaluer au mieux le risque qu'ils représentent: quels sont leurs buts, quels sont leurs moyens? C'est donc aussi une mission d'espionnage contre des ennemis sinon encore déclarés, du moins potentiels. Et Jean du Plan de Carpin nous le dit dès le prologue:

Et bien que nous craignions d'être tués par les Tartares ou par d'autres nations, ou de subir une captivité perpétuelle ou d'être affligés au-delà de nos forces par la faim, la soif, la chaleur, les outrages et la fatigue, toutes choses qui nous arrivèrent bien plus encore que nous le croyions, excepté la mort et la captivité perpétuelle, nous ne nous épargnâmes pas pour satisfaire la volonté de Dieu et le mandat du Seigneur Pape, et rendre service aux chrétiens; afin que, dans la pleine connaissance de la volonté et des intentions de ces Tartares, nous puissions les faire voir aux chrétiens, pour que des assaillants ne se jettent pas sur eux sans défense, comme il est déjà arrivé pour les péchés des hommes, et ne fassent un grand massacre du peuple chrétien. (pp. 129-30)

C'est ainsi que Jean du Plan de Carpin quitte Lyon avec quelques compagnons, le 16 avril 1245, pour se rendre à la cour du Grand Khan (sans savoir où elle est, et ce d'autant moins qu'elle est itinérante). Il va passer par la Bohême, la Silésie, puis par Kiev, l'embouchure du Don, l'extrêmité nord de la Caspienne, la mer d'Aral, le versant nord de l'Altaï pour entrer en Mongolie et arriver sur Karakorum. Cette route vers l'orient est l'une des plus septentrionales, et de par ce fait elle évite l'obstacle naturel le plus significatif que sont les massifs himalayen, du Karakorum et des Pamirs. C'est à peu près la même route que suivra, en 1253, Guillaume de Rubruk, moine franciscain lui aussi mais envoyé par le roi de France Louis IX, ou saint Louis. La différence est que Guillaume de Rubruk part de Chypre11, gagne Constantinople par la mer, et traverse la mer Noire jusqu'à la Crimée; à partir de là son itinéraire rejoint celui de Plan de Carpin et ils arrivent approximativement au même endroit, à Karakorum, qui est à l'ouest d'Oulan-Bator. Toutefois Rubruk utilise les fameuses portes de Dzoungarie pour entrer en Mongolie ("et un tel vent souffle quasi continuellement dans cette vallée, que les hommes n'y passent qu'avec un grand danger d'être précipités dans la mer [des lacs]." (p. 259))

Guillaume de Rubruk se montre très précis dans ses descriptions des pays traversés, bien que parfois on le voit reproduire telles quelles les croyances des Anciens. Ainsi, alors qu'il décrit la Crimée et la mer d'Azov, où il voit l'embouchure du Don, ses connaissances préalables de la géographie antique l'amènent à nous faire une description incompréhensible, bien qu'il n'y ait que deux choses à décrire: un fleuve et la mer dans laquelle il se jette.

[...] là où le fleuve Tanaïs [le Don] se jette dans la mer de Pont [la mer Noire] par une embouchure qui a douze milles de largeur. Car ce fleuve, avant qu'il entre dans la mer de Pont forme, au nord, une sorte de mer qui a, en longueur et en largeur, soixante-dix milles, n'ayant jamais en profondeur plus de six pas [...]. (p.208)

Nous allions donc vers l'orient, en ne voyant rien que le ciel et la terre, et quelquefois, à droite, la mer qu'on appelle Tanaïs [mer d'Azov]. (pp.229-30)

Ce fleuve [Tanaïs] est à la limite orientale de la Russie, et il prend sa source dans les Palus Méotides qui s'étendent, vers le nord, jusqu'à l'Océan [l'Océan extérieur des anciens].

[...] car le Tanaïs se jette dans la mer de Pont. (p.233)

La seule chose qui soit claire, c'est que Guillaume s'embrouille en essayant de concilier ses connaissances antérieures avec ses observations; et Albert T'Serstevens ne peut s'expliquer que Guillaume de Rubruk décrive le Don prenant sa source dans le mer d'Azov (c'est comme ça qu'il interprète les Palus Méotides de Guillaume). A notre avis, Guillaume n'a pas compris que les Palus Méotides désignaient la mer d'Azov, car les dimensions de cette dernière ne cadrent pas du tout avec les dimensions que les Anciens donnaient aux Palus Méotides. Par conséquent Guillaume se serait imaginé qu'il ne les avait pas vus car ils étaient plus au nord, vers l'Océan; et entre les Palus Méotides et la mer d'Azov, pour lui ce n'est donc pas la même chose !, il met un fleuve, le Tanaïs. Sa contribution serait donc d'avoir donné une description correcte de la mer d'Azov, mais en rejetant du même coup les Palus Méotides plus au nord. Soulignons que c'est une question importante pour les postulats de la géographie antique, et donc pour ceux de la géographie médiévale, car comme nous le dit Guillaume il s'agit de la séparation entre l'Asie et l'Europe, séparation qui serait faite par l'Océan, comme entre les autres parties du monde:

[...], nous arrivâmes au grand fleuve Tanaïs qui sépare l'Asie de l'Europe, comme le fleuve de l'Egypte sépare l'Asie de l'Afrique. (pp.230-1)

Un peu plus loin Guillaume de Rubruk nous livre une autre impression qu'il faut aussi mettre en rapport avec les connaissances transmises de l'Antiquité et diffusées par les livres:

Allant ainsi vers Batou, tout droit du côté de l'orient, nous parvînmes, le troisième jour, à la Volga; je m'étonnai de ce que tant d'eaux puissent descendre du nord. (p. 237)

Son étonnement se comprend mieux si l'on se réfère à la géographie antique, où l'on se représente le nord du continent beaucoup plus petit qu'il ne l'est. En fait Guillaume devait se croire assez proche de la partie nord de l'Océan extérieur - or il y a une vingtaine de degrés de latitude jusqu'à la mer de Barents. La provenance de ses connaissances géographiques semble être principalement Isidore de Séville, qu'il cite six ou sept fois, tandis qu'il cite une fois Solin.

Plan de Carpin semble être beaucoup moins au courant de la géographie antique, et ne nous parle ni des Palus Méotides, ni du Tanaïs (il utilise le nom de Don). Il est intéressant de constater la différence entre nos deux auteurs, et de noter comme les connaissances a priori perturbent les observations de Guillaume de Rubruk. Toutefois, concernant la mer Caspienne, Guillaume dément catégoriquement les affirmations d'Isidore de Séville:

" On peut en faire le tour en quatre mois, et il n'est pas vrai, comme le dit Isidore, qu'elle soit un golfe de l'Océan. Nulle part, en effet, elle ne touche l'Océan, mais la terre l'entoure de tous côtés." (p. 240)

Par ailleurs Guillaume profite de son voyage pour rectifier certaines "connaissances" sur la "Scythie"12, c'est-à-dire des mythes qui se perpétuaient sur les habitants de cette terre inconnue; de cela Guillaume nous touche un mot au passage, car il s'est renseigné:

Je m'enquis de ces monstres ou hommes monstrueux dont parlent Isidore et Solin. Ils me dirent qu'ils n'avaient jamais rien vu de tel, de quoi, s'ils disaient vrai, je m'étonnai beaucoup. (p. 283) 13

On sent que le frère Rubruk n'est qu'à moitié convaincu, et encore...Il aurait été moins étonné de croiser quelques Cyclopèdes.

A une autre occasion encore, on le voit curieux. Ainsi au retour, passant de la vallée de l'Araxe à celle de l'Euphrate, il nous dit ce dernier:

" [...] à la source duquel je serais allé s'il n'y avait eu tant de neige que personne ne pouvait aller en dehors du chemin fréquenté." (p.324)

Et ce alors qu'il revient de deux ans de pérégrinations éprouvantes; en effet les deux auteurs ne manquent pas de nous informer de leurs conditions de voyage. Jusqu'à la mer Caspienne environ, il n'y a pas trop de problèmes mais après ce sont de longues étendues désertiques, balayées par le vent, la neige, la grêle, etc. En plus ces fransiscains sont dans l'habit de leur ordre, c'est-à-dire pieds nus. Qui plus est la nourriture est fort rare, ce dont témoignent Plan de Carpin et surtout Guillaume de Rubruk:

Quant aux viandes qu'ils nous avaient apportées, nous les réservâmes pour le jour de fête, car nous ne trouvions rien à acheter, ni pour or ni pour argent, si n'est contre des toiles et autres étoffes, et nous n'avions rien de cela. [...]. N'étaient les biscuits que nous avions, et la grâce de Dieu, nous serions sans doute morts de faim. (p. 227)

Les viandes qu'ils nous donnaient n'étaient pas suffisantes, et nous ne trouvions rien à nous procurer pour de l'argent.(p. 230)

Et un peu plus loin:

Sur ce chemin nous serions morts de faim si nous n'avions emporté avec nous un peu de biscuit. (p. 240)

Et enfin:

Pour ce qui est de la faim et de la soif, du froid et de la fatigue, il n'est pas de place pour le dire. On ne nous donnait de nourriture que le soir.(p. 247)

Pourtant nous avons à faire à deux franciscains, habitués aux privations, pour qui l'ascétisme est un genre de vie ou en tous cas qui ne s'en plaignent pas; le contraste est total avec Odoric de Pordenone, que nous verrons plus loin, décrivant Canton et la côte méridionale de la Chine.

Les récits de nos deux auteurs font une large place à la description du peuple et du pays mongols; ainsi Jean du Plan de Carpin écrit que:

Et bien que le pays soit infertile, il est apte à nourrir les troupeaux, non pas abondamment, mais convenablement. (p. 150)

Nous conclurons brièvement, au sujet de ce pays, qu'il est fort grand, mais par ailleurs, y ayant circulé pendant cinq mois et demi, il est plus misérable qu'on ne saurait dire. (p. 151)

Nos deux auteurs sont frappés par le grand nombre de bêtes, plus nombreuses en fait que les hommes:

Ils sont très riches en animaux: chameaux, boeufs, moutons, chèvres et chevaux. Ils ont une telle multitude de juments, que nous ne croyons pas qu'il y en ait autant dans le monde entier. (Plan de Carpin, p. 153)

Cependant les Mongols pratiquent aussi la chasse, et notamment la chasse au faucon:

Ils ont des faucons, des gerfauts et des milans en grande quantité, qu'ils portent sur la main droite;[...]. (Guillaume de Rubruk, p. 218)

Les maisons des Mongols sont un autre élément de la vie quotidienne que relèvent nos deux fransiscains:

Ils n'ont jamais de résidence fixe et ignorent celle de l'avenir. [...] Ils construisent sur des roues les maisons dans lesquelles ils dorment.[...]. J'ai compté, pour un seul chariot, vingt-deux boeufs traînant une seule maison[...]. L'essieu du chariot était grand comme un mât de navire. (Guillaume de Rubruk, pp.212-3)

Bien que les auteurs ne le relèvent pas toujours de façon explicite, il est facile de comprendre que ces différents éléments son liés de manière logique, forment un système: le climat peu propice aux cultures, le sol ne se prêtant pas à une utilisation intensive, la rareté des hommes, l'importance des troupeaux et la recherche continuelle de pâtures, le rôle essentiel des produits laitiers dans l'alimentation, etc. C'est donc une description d'une économie nomade, une économie qui étonne les deux voyageurs, provenant d'une civilisation de sédentaires (pratiquant éventuellement la transhumance).

D'autre part nos deux auteurs sont attentifs à tous les détails de la vie quotidienne: ils nous décrivent l'habillement des Mongols, "les beuveries des Tartares", les rites funéraires ou encore le mariage. A propos de ce dernier Jean du Plan de Carpin remarque que:

Chacun peut avoir autant de femmes qu'il en peut entretenir: cent, cinquante, dix, les uns plus, les autres moins; et ils peuvent épouser n'importe quelle parente, à l'exception de leur mère, leurs filles et de leurs soeurs de même mère. (p. 152)

Et bien que l'Occident soit monogame, et que les chrétiens interdisent les mariages consanguins jusqu'au quatrième degré (c'est même à cette époque que l'Eglise étend cette interdiction jusqu'au septième degré), les voyageurs ne portent pas de jugement de valeur sur ces pratiques, ils ne semblent pas même s'en étonner.

Ils nous renseignent aussi sur la manière de rendre la justice, sur la généalogie des princes Tartares, sur les qualités et les défauts de ce peuple. Parmi les qualités ils remarquent surtout la soumission au chef, le courage à la guerre, le fait que "bien qu'ils s'enivrent beaucoup, ils n'en viennent cependant jamais aux gros mots et ni aux bagarres." (Plan de Carpin, p. 159), bref, tout ce qui fait d'eux un peuple de conquérants: courage, endurance, unité. Mais Plan de Carpin déplore que:

Ils sont les plus orgueilleux des hommes, et méprisent tous les autres, qu'ils considèrent quasi pour rien, qu'ils soient nobles ou vilains (p. 160)

Sur le plan religieux les deux franciscains constatent la présence des nestoriens14:

Il [Cuyuc] a toujours, devant la plus grande de ses tentes, une chapelle des chrétiens [des nestoriens], et ceux-ci chantent publiquement et apertement, et célèbrent les heures, à la manière des Grecs et autres chrétiens, quelle que soit la multitude des Tartares et autres nationaux. Mais les autres chefs n'agissent pas ainsi. (p. 147)

Toutefois Plan de Carpin n'a pas l'air de se faire beaucoup d'illusions sur une éventuelle conversion du Grand Khan; il constate bien que les Mongols sont tolérants:

Comme ils n'observent aucune loi dans leur culte de Dieu, ils n'ont jamais forcé personne, que nous sachions, à renier sa foi ou sa loi, excepté ce Michel dont nous avons parlé plus haut. (p. 155);

mais il voit bien la distance qui sépare les Mongols de l'esprit chrétien:

Mais massacrer les hommes, envahir les terres d'autrui par n'importe quel moyen injuste, forniquer, faire injure aux autres hommes, agir contre les défenses et les préceptes de Dieu, n'est nullement pour eux un péché. Ils ne savent rien de la vie éternelle ni de la damnation perpétuelle. (p. 156)

La tolérance des Mongols est notée par tous les voyageurs; André de Pérouse la constate aussi mais ne l'apprécie qu'à moitié:

Il existe dans ce vaste empire des hommes de toutes les nations qui sont sous le ciel, des religieux de toutes les sectes, et il est permis à chacun de vivre selon ses croyances. Car on admet ici cette opinion ou plutôt cette erreur que chacun peut faire son salut dans sa religion. Nous pouvons donc prêcher en toute liberté et sécurité. (p. 61, lettre datée de janvier 1326)

Par contre Odoric de Pordenone, encore un franciscain, voit les choses sous un autre angle, plus pragmatique (et généralement admiratif):

Le fait que tant de races différentes puissent cohabiter paisiblement et être administrées par le même pouvoir me semble une des plus grandes merveilles du monde, bien plus encore que l'activité prodigieuse du commerce et l'accumulation énorme de stocks de toutes sortes;[...]. (p. 65)



Une chose qui frappe chez Jean du Plan de Carpin est sa grande attention pour tout ce qui touche au domaine militaire, nous rappelant qu'il s'agit bien d'une mission de renseignement. C'est ainsi qu'il nous fait une description circonstanciée des armées mongoles, de leurs armes, de leurs tactiques, de leurs projets...De plus il nous livre ses réflexions sur la meilleure manière de les combattre:

Le lieu du combat doit être choisi, s'il est possible, dans une plaine pour qu'on puisse les voir de tous côtés; et il faut avoir, si l'on peut, une grande forêt dans le dos ou sur le côté, de telle manière, cependant, que l'ennemi ne puisse pénétrer entre l'armée et la forêt.[...]. Les armées doivent aussi veiller à ne pas les poursuivre longtemps, à cause des embuscades qu'ils ont coutume de préparer: ils combattent, en effet, beaucoup plus par la ruse que par la force. (p. 189)

D'autre part Jean du Plan de Carpin ne manque pas d'informer le pape du danger que représentent les Mongols:

Puisqu'ils veulent détruire toute la terre ou la réduire en esclavage, qui serait chose insupportable à notre race, ainsi qu'il a été dit plus haut, il faut donc les devancer en leur faisant la guerre.(Jean du Plan de Carpin, p.187)

Et il ne faut pas qu'on épargne l'argent pour se procurer ces armes, afin qu'elles puissent sauvegarder les âmes et les corps, la liberté et tout le reste.(Jean du Plan de Carpin, p.188)

Guillaume de Rubruk est beaucoup moins prodigue sur le sujet; le dernier chapitre parle bien de guerre, mais pas contre les Tartares: ce sont les derniers feux des Croisades en Terre Sainte. On peut remarquer au passage que Guillaume cherche à réhabiliter l'itinéraire terrestre pour aller à Jérusalem, qui avait été celui des premières Croisades, aux dépens de l'itinéraire maritime qui lui avait été préféré par la suite.

Autrefois, des hommes forts ont traversé ces régions [de Cologne à Constantinople et de là en Arménie], et ils ont réussi; ceux qui leur résistaient étaient cependant de très forts guerriers, mais Dieu les a effacés de la terre. Il n'est pas nécessaire de courir les dangers de la mer ni de se fier à la bonne volonté des mariniers, et le prix qu'il faudrait payer pour une flotte suffirait pour les dépenses d'une expédition par terre. (pp.330-1)

Saint Louis n'écoutera pas ses conseils puisque quinze ans plus tard il ira en bateau à Tunis.

Au retour de leurs ambassades respectives, les deux moines ramèneront avec eux, dans les réponses du Grand Khan au pape ou au roi, de beaux échantillons d'un orgueil unanimement dénoncé par les Occidentaux, et qui en Chine se perpétuera au-delà des changements dynastiques. Car n'oublions pas qu'il s'agit d'ambassades; Jean du Plan de Carpin est envoyé par le pape "parce qu'il souhaitait que tous les chrétiens et tous les Tartares fussent amis et établissent la paix entre eux" (p. 133). La réponse du Grand Khan, Cuyuc, petit-fils de Gengis-Khan, le 11 novembre 1245, est sans ambiguïté 15:

Aussi, si vous désirez avoir la paix avec nous, il faut que toi, Pape, vos empereurs, tous vos rois, tous les potentats des villes et les gouverneurs des pays, vous ne différiez en aucune manière de venir vers moi pour m'exposer votre paix et entendre en même temps notre réponse et notre volonté. [...]. Nous adorons Dieu, et grâce à sa puissance, nous détruirons toute la terre, de l'Orient à l'Occident. Si l'homme n'était pas la force de Dieu, que pourraient faire les hommes ?

Le but de l'ambassade de Guillaume de Rubruk est un peu différent; en effet on avait entendu dire, en Occident, que l'un des principaux chefs mongols, chef de la Horde d'or, Batou, s'était fait chrétien. Saint Louis avait envoyé une première ambassade à ce prince, dirigée par André de Longjumeau et chargée de somptueux présents, mais ce fut un échec: "on" avait fait circuler la rumeur, sans doute pour s'approprier les présents que ne manquerait pas d'envoyer le roi. C'est ce que commence à comprendre Guillaume de Rubruk, s'apercevant que Batou n'a jamais songé à se faire chrétien.

Il [Batou] nous demanda si vous [saint Louis] aviez déjà envoyé chez eux des ambassadeurs. Je lui dis comment vous en aviez envoyé à Ken-Khan, et que vous ne lui auriez pas envoyé des ambassadeurs et des lettres, à lui ni à Sartach, si vous n'aviez pas cru qu'ils fussent chrétiens, parce que vous ne les aviez pas envoyés par crainte mais par congratulation, parce que vous aviez entendu dire qu'ils étaient chrétiens. (p. 242)

Autant dire que ces ambassades, sur le plan politique, sont des échecs, comme sur le plan religieux. Par contre, sur le plan géographique, nous pouvons dire de ces deux voyageurs qui se sont aventurés jusqu'en Mongolie qu'ils nous donnent une bonne analyse des pays traversés: climat, qualité du sol, type physique des habitants, coutumes, moeurs, généalogie des chefs; équipement, tactique et "dispositif" militaires, etc. Dans leurs descriptions il n'y a pas de place, ou très rarement, pour les condamnations au nom du dogme ou pour le refus de voir ce qui est différent, ce sont donc des descriptions objectives (dans la mesure où on peut être objectif). Par contre cela ne les empêche pas d'émettre des jugements dans leurs conclusions, au moment de la synthèse, des jugements plutôt négatifs vis-à-vis d'un peuple qui ne suit pas les commandements des Saintes Ecritures, dont les conventions sociales sont tellement différentes et dont les buts sont radicalement opposés aux leurs.

Il semble qu'ils se soient très bien acquittés de ces missions de renseignement, qui auraient pu être d'une grande valeur pour la géographie de l'époque (même si ce n'était pas le but). Ils ne l'ont pas été puisque celle-ci ne les a pas pris en compte. Pour Albert T'Serstevens:

Ce qu'il [Rubruk] nous révèle sur la composition de l'Asie centrale aurait renouvelé complètement la géographie du continent si les spécialistes avaient pris la peine de lire sa relation et d'en comprendre l'importance.16

La Mongolie contée par Plan de Carpin et Rubruk n'avait rien d'enchanteur, et c'est probablement pour cette raison qu'elle est passée inaperçue en Occident, alors que peu après Marco Polo connaîtra le succès avec le récit de son voyage. Mais les Polo ont vu une autre Chine, comme les missionnaires (franciscains pour la plupart) qui seront envoyés par les papes; ils vont dans les régions littorales comme Canton, Nankin ou Quanzhou (en face de Taïwan), ou à la cour de Pékin.

Ces marchands et ces missionnaires feront donc connaissance avec une autre Chine, comme Odoric de Pordenone qui nous a aussi laissé un récit de voyage, où il raconte notamment son parcours de Canton à Pékin; à vrai dire Odoric ne dit pas grand'chose du chrstianisme en Chine. Ce qui l'intéresse relève plutôt de la civilisation matérielle, ce qui chez un franciscain étonne un peu.

Cette ville [Canton] est d'aspect singulièrement imposant et j'en fus réellement émerveillé. Je la jugeais trois fois plus grande que Venise. Mieux encore, elle renferme plus de marchandises et me sembla plus importante pour le commerce maritime que toute l'Italie réunie. (p. 63)

Il relève en outre que "tout regorge de victuailles", que "les femmes comptent parmi les plus belles de l'univers", "qu'on achèterait bien trois livres de gingembre pour moins d'un gros" ou "quatre livres et huit onces de sucre pour moins d'un demi-gros!"

On le voit, l'Occidental est plus dans son élément à Canton qu'en Mongolie, il peut faire des comparaisons avec Rome ou Venise, il peut parler du commerce, des prix, de l'Etat: cela, ni Plan de Carpin ni Rubruk n'auraient pu le faire. Odoric de Pordenone nous décrit également un service des postes particulièrement efficace et les fastes du palais du Grand Khan à Pékin. C'est donc une Chine florissante, bien plus que l'Occident, avec un gouvernement réglé comme une horloge et des citoyens aussi dociles qu'industrieux, c'est la Chine féerique qu'a déjà décrite Marco Polo. C'est la Chine à laquelle penseront encore les philosophes des Lumières, qui voient souvent la Chine comme un Occident débarrassé de ses défauts. C'est une Chine idéalisée, un mythe auquel l'Occident peut se référer, qui frappe les imaginations, fait rêver les marchands, les Ordres missionnaires et les bâtisseurs de systèmes politiques, contrairement aux descriptions de Plan de Carpin ou de Rubruk. C'est cette Chine qui restera gravéee longtemps dans la mémoire collective de l'Occident.

Et non les steppes désolées, parcourues sporadiquement par la cavalerie ou les troupeaux mongols.


Citations en vrac.....

T'SERSTEVENS, Albert: Les précurseurs de Marco Polo

p.12: Seuls, l'Ambition, le Lucre et la Foi, ces moteurs de l'énergie humaine, étaient capable s de mener au coeur de pays inconnus, au milieu des plus mystérieux dangers, de vaillants personnages physiquement et moralement solides et souples comme l'acier.

p.21: Les nations qui effacent ainsi les séculaires appellations, selon les caprices de la politique, devraient penser aux pauvres géographes et historiens.

p.125: Ce qu'il nous révèle sur la composition de l'Asie centrale aurait renouvelé complètement la géographie du continent si les spécialistes avaient pris la peine de lire sa relation et d'en comprendre l'importance.

p.187, Jean du Plan de Carpin

Puisqu'il veulent détruire toute la terre ou la réduire en esclavage, qui serait chose insupportable à notre race, ainsi qu'il a été dit plus haut, il faut donc les devancer en leur faisant la guerre.

p.188, Jean du Plan de Carpin

Et il ne faut pas qu'on épargne l'argent pour se procurer ces armes, afin qu'elles puissent sauvegarder les âmes et les corps, la liberté et tout le reste.

JEAN DU PLAN DE CARPIN

0.1: salutation

0.2: se termine la salutation et commence le prologue

voyage fait dans le seul but de servir la chrétienté

1. De la route que nous avons suivie et de la situation des pays que nous avons traversés

achète fourrures en Russie

vers Kiev: très malade mais continue "pour ne pas abandonner les affaires de la chrétienté"

"parce qu'il souhaitait que tous les chrétiens et tous les Tartares fussent amis et établissent la paix entre eux

doit faire des cadeaux à gauche à droite

arrive à la frontière tartare, se dirigent chez Batou

Batou les envoie chez Cuyuc (Gouyouk, fils d'Ogodaï (mort 11.12.1241), pt.-fils de Gengis-Khan)

22.07: arrivée chez Cuyuc, reste 4 semaines

boisson: lait de jument

24.08: élection du Cuyuc

impressionné par les présents, a multitude des ambassadeurs

crève de faim et de soif

11.11.45: réponse de Cuyuc, donnée par Benoît de Pologne; " Aussi, si vous désirez avoir la paix avec nous, il faut que toi, Pape, vos empereurs, tous vos rois, tous les potentats des villes et les gouverneurs des pays, vous ne différiez en aucune manière de venir vers moi pour m'exposer votre paix et entendre en même temps notre réponse et notre volonté";" Nous adorons Dieu, et grâce à sa puissance, nous détruirons toute la terre, de l'Orient à l'Occident. Si l'homme n'était pas la force de Dieu, que pourraient faire les hommes ?"

présence d'une chapelle nestorienne devant la tente du Grand Khan: espoir de conversion

2. De la route que nous fîmes en revenant

3. De la situation du pays des Tartares, de la qualité de son sol et de son climat

3.1 De la situation du pays

3.2. Qualité du sol:

mauvaise; p.150: " Et bien que le pays soit infertile, il est apte à nourrir les troupeaux, non pas abondamment mais convenablement."

3.3. Du climat du pays

froid, glacé, ventueux, poussière, grêle; parfois grandes chaleurs; p.188, Jean du Plan de Carpin


4. 1: De l'aspect des Tartares

4. 2. De leurs mariages

polygamie; pas de jugement de valeur, même pas d'étonnement...

4. 3. De leurs vêtements

4. 4. De leurs habitations

nomadisme; tentes rondes, ouverture en haut

4.5: De leurs biens

p.153: Ils sont très riches en animaux: chameaux, boeufs, moutons, chèvres et chevaux. Ils ont une telle multitude de juments, que nous ne croyons pas qu'il y en ait autant dans le monde entier.

5.1: Du culte des Tartares

p.155: Comme ils n'observent aucune loi dans leur culte de Dieu, ils n'ont jamais forcé personne, que nous sachions, à renier sa foi ou sa loi, excepté ce Michel dont nous avons parlé plus haut.

5.2: De ce qu'ils croient être péchés

les péchés ne découlent pas d'une loi mais de la tradition; superstitions; p.156: " Mais massacrer les hommes, envahir les terres d'autrui par n'importe quel moyen injuste, forniquer, faire injure aux autres hommes, agir contre les défenses et les préceptes de Dieu, n'est nullement pour eux un péché. Ils ne savent rien de la vie éternelle ni de la damnation perpétuelle.

5.3: de leurs divinations et de la purification des pécheurs

5.4: de leurs rites funéraires

6.1: Des bonnes moeurs des Tartares

soumission, pas de rixes, pas de voleurs; endurance, femmes chastes

6.2: De leurs mauvaises moeurs

orgueilleux, mépris de tous les étrangers, boivent beaucoup, astucieux, rusés, menteurs; manières immondes

6.3: De leurs nourritures

6.4: De leurs coutumes et de leurs lois

7.1 Des origines de l'Empire des Tartares

7.2 Des princes des Tartares

7.3 Du pouvoir de l'Empereur et des princes

8.1 De l'ordonnance de leurs armées

8.2 De leurs armes

8.3 De leur tactique dans le combat

8.4 Des sièges des places fortes

8.5 De la perfidie des Tartares et de leur cruauté envers les captifs

9.1 Comment ils font la paix avec autrui

9.2 Des noms des pays qu'ils ont soumis

9.3 Des pays qui leur ont résisté vaillamment

9.4 De la tyrannie qu'ils exercent sur leurs sujets

10.1 De ce que projettent les Tartares

10.2 Des armes et des armées pour les combattre

10.3 Comment il faut répondre à leurs ruses dans le combat

10.4 De la défense des forteresses et des villes

10.5 Ce qu'il faut faire des captifs

11. Des témoins qui nous rencontrèrent dans le pays des Tartares

Epilogue de tout le livre

Guillaume de Rubruk

0.1: Salutation

1: Notre départ de Constantinople et notre voyage jusqu'au pays des Tartares

description précise de la Mer Noire et de la mer Azov (rectifie l'idée antique de l'isthme Tanaïs, mais la répète p.231 !); commerce du sel

passe en Crimée comme les Polo

trafic de fourrures dans un sens, trafic de soie, coton, épices dans l'autre

2: De la demeure des Tartares

nomades, maisons sur des chariots; immenses caravanes avec beaucoup d'animaux mais pas tant d'hommes

3: Des beuveries des Tartares

4: De ce que mangent les Tartares

viande séchée, sans sel

5: Comment ils accommodent le lait de jument et le lait de vache

cosmos, beurre, "lait concentré", acidulé,...

6: De ce que mangent les pauvres

souris, marmottes, lapins,...

faucons

7: Des vêtements des Tartares

beaucoup de fourrures et de laine /feutre)

8: A quoi s'emploient les hommes et les femmes

9: De leurs mariages

10: Comment ils pratiquent la justice

11: Des funérailles et des malades

12: Se poursuit notre voyage jusqu'à la cour de Sçacataï

13: Comment nous fûmes accueillis par Sçacataï

14: Comment nous rencontrâmes des Alains chrétiens et un Sarrasin qui se voulait faire chrétien

Quant aux viandes qu'ils nous avaient apportées, nous les réservâmes pour le jour de fête, car nous ne trouvions rien à acheter, ni pour or ni pour argent, si n'est contre des toiles et autres étoffes, et nous n'avions rien de cela. [...]. N'étaient les biscuits que nous avions, et la grâce de Dieu, nous serions sans doute morts de faim.

les chrétiens du crû disent que boire du cosmos est pécher

15: Se poursuit notre voyage à travers le pays des Capthats

p.230: Les viandes qu'ils nous donnaient n'étaient pas suffisantes, et nous ne trouvions rien à nous procurer pour de l'argent.

16: Se poursuit notre voyage jusqu'à la cour de Sartach

passa par Stalingrad

17: Comment nous fûmes accueillis par Sartach

se fait piquer un psautier enluminé offert par la reine !

Allant ainsi vers Batou, tout droit du côté de l'orient, nous parvînmes, le troisième jour, à la Volga; je m'étonnai de ce que tant d'eaux puissent descendre du nord.

18: Comment les Moals furent appelés Tartares

19: Comment nous allâmes à la cour de Batou

Sur ce chemin nous serions morts de faim si nous n'avions emporté avec nous un peu de biscuit.

fait référence à Isidore (de Séville); contredit sa thèse comme quoi la Caspienne serait un golfe de l'Océan

20: Comment nous fûmes accueillis par Batou

évoque Plan de Carpin

en Occident on pensait que Batou s'était fait chrétien, ce qui n'est pas le cas...

21: Se poursuit notre voyage jusqu'à Organum

p.247: Pour ce qui est de la faim et de la soif, du froid et de la fatigue, il n'est pas de place pour le dire. On ne nous donnait de nourriture que le soir.

p.248: Au sujet de la Mer Océane, ils ne purent jamais comprendre qu'elle était sans limite et sans rivage

22: Ci devise des Iugures et de leurs croyances

23: Ci devise du Tangut, du Tibet, des Solangues et des Mucs

24: Ci devise du Cataya et des nestoriens

p.257: Plus loin est la grande Cataya, qui anciennement, je crois, était le pays des Sères, car d'eux viennent les meilleures étoffes de soie qui sont appelées sériques, du nom de ce peuple, et ce peuple était appelé Sères du nom d'une de leur ville.

25: Se poursuit notre voyage jusque chez Mangou-Khan

au bord du la Balkach, une église nestorienne

portes de Dzoungarie, p.259: [...]; et un tel vent souffle quasi continuellement dans cette vallée, que les hommes n'y passent qu'avec un grand danger d'être précipités par le vent dans la mer.

26: Avant d'être reçus par Mangou-Khan

cour de Mangou-Khan: vers Caracorum

27: Comment nous accueillit Mangou-Khan

pas vraiment de conversation; demande l'autorisation de rester à la cour car compagnon très affaibli, autorisation accordée

28: Ci devise de deux Francs de Metz et de Paris

29: Ci devise de l'ambassade Théodule

30: Ci devise du prétendu baptême de Mangou

il y a des prêtres d'un peu tout qui offrent leur bénédiction au Khan; commentaire de T'Serstevens: De toute manière, et d'où qu'elles vinssent, ces bénédictions pouvaient avoir leur effet. Les grands empereurs chinois, dont la plupart étaient athées, avaient le même sentiment. De là leur tolérance à l'égard de toutes les religions. Il y a là un curieux mélange de grandeur philosophique et de ritualisme élémentaire.

31: Comment nous fut donné un nouveau logement

32: Ci devise de quelques cérémonies religieuses

33: De la visite que nous fîmes au Grand Khan

34: Comment Dame Cota fut guérie par le moine

35: Des régions qui environnent Caracorum

p.283: Je m'enquis de ces monstres ou hommes monstrueux dont parlent Isidore et Solin. Ils me dirent qu'ils n'avaient jamais rien vu de tel, de quoi, s'ils disaient vrai, je m'étonnai beaucoup.

36: Ci devise du Cathay et de ses Chinchin

parle du papier-monnaie, qui en fait est du coton sur lequel on imprime la valeur

37: Ci devise de nos démêlés avec le moine arménien

38: Du palis du Khan et de la fontaine de maître Guillaume

39: Comment nous arrivâmes à Caracorum

40: Fête de Pâques à Caracorum

41: Ci devise de la maladie de maître Guillaume

42: Ci devise brièvement de la ville de Caracorum

beaucoup de marchands puisque c'est la "capitale"; beaucoup de confessions différentes; artisans chinois

43: Notre nouveau séjour chez Mangou-Khan

44: Ci devise de la grande controverse religieuse

45: De l'ultime audience que me donna le Khan

46: Ci devise des prêtres ou devins idolâtres

47: Fêtes données par le Khan à Caracorum

48: Des lettres que me donna le Khan pour le Roi

49: Comment je dus me séparer de mon compagnon

p.316: [...]; mais nous trouvions rarement quelque chose à acheter.

50: Notre voyage jusqu'à la cour de Batou

51: Notre nouveau séjour chez Batou

52: Se poursuit notre voyage de retour

53: Notre arrivée à Acre

54: Qu'il est possible d'entreprendre une nouvelle croisade et d'envoyer d'autres ambassadeurs au Grand Khan


Le voyage en Chine

p.61, André de Pérouse

Il existe dans ce vaste empire des hommes de toutes les nations qui sont sous le ciel, des religieux de toutes les sectes, et il est permis à chacun de vivre selon ses croyances. Car on admet ici cette opinion ou plutôt cette erreur que chacun peut faire son salut dans sa religion. Nous pouvons donc prêcher en toute liberté et sécurité.

p.63: Odoric de Pordenone

Cette ville [Canton] est d'aspect singulièrement imposant et j'en fus réellement émerveillé. Je la jugeais trois fois plus grande que Venise. Mieux encore, elle renferme plus de marchandises et me sembla plus importante pour le commerce maritime que toute l'Italie réunie.

p.65, Odoric de Pordenone

Le fait que tant de races différentes puissent cohabiter paisiblement et être administrées par le même pouvoir me semble une des plus grandes merveilles du monde, bien plus encore que l'activité prodigieuse du commerce et l'accumulation énorme de stocks de toutes sortes;[...].

p.73: Odoric de Pordenone

Quant aux dépenses formidables qu'entraîne l'entretien d'une telle cour et d'un aussi immense empire, il n'y a pas lieu de s'en étonner outre mesure, car, en réalité, il ne circule dans tout l'empire d'autre monnaie qu'une manière de papier-monnaie qui, chez ces gens-là, est aussi prisé que du véritable numéraire. C'est avec ce papier que l'Etat règle toutes ses dettes !


BIBLIOGRAPHIE


BOOTHROYD, N. et DETRIE, M. Le Voyage en Chine. Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen Age à la chute de l'empire chinois, éd. R.Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1992.

bibliothèque FL chinois: Q.09 95.c VOY


DION, Roger Aspects politiques de la géographie antique, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1977.

BPU: Zt 481 / 85


BOULNOIS, Luce La route de la soie, éd. Olizane, coll. Artou, Genève, 1986

bibl. FL chinois: Q.09 90.c BOU


NICOLET, Claude L'inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l'Empire romain, éd. Fayard, 1988.

BSES: 911 NICa


T'SERSTEVENS, Albert Les précurseurs de Marco Polo, éd. Arthaud, 1959

BPU: Tk 2048 / 35


WHEELER, Mortimer Les influences romaines au delà des frontières impériales, éd. Plon, coll. Civilisations d'hier et d'aujourd'hui, Paris, 1960.

BPU: Ti 4634



NOTES

1 Par Inde il faut entendre toutes les régions à l'est du Gange jusqu'au mystérieux pays des Sères.

2 à propos des chiffers donnés par Pline et surtout de l'état d'esprit que cela traduit face à la monnaie, voir: VEYNE, Paul: Rome devant la prétendue fuite de l'or; mercantilisme ou politique disciplinaire, Annales ESC, 1979, pp. 211-244.

3 voir WHEELER, Mortimer: Les influences romaines au delà des frontières impériales, éd. Plon, coll. "Civilisations d'hier et d'aujourd'hui", Paris, 1960. (BPU: Ti 4634) " Insistons donc sur le seul fait dont nous soyons certains: la régularisation et le développement des échanges commerciaux avec l'Inde, sous le principat d'Auguste, ont été, dans une large mesure, rendus possible, sinon par Hippalus lui-même, du moins parce que sa découverte, avec toutes les conséquences qu'elle comportait, venait alors seulement de tomber dans le domaine public." (p. 164)

4 Canton était et restera le noeud de tout le commerce extérieur de la Chine (à l'exception du commerce avec le Japon et la Corée). C'est le port où arrive le tribut, les ambassadeurs, etc.; c'est aussi le port où seront cantonnés les marchands occidentaux à partir du milieu du XVIIIème.

5 Voir WHEELER, op. cit.

6 " Cette image d'une maison à étages traduit assez bien la réalité des choses, si elle les force dans leur signification concrète. [...] Bref, il y a une hiérarchie du monde marchand même si, comme dans toute hiérarchie d'ailleurs, les étages supérieurs ne sauraient exister sans les inférieurs surlesquels ils s'appuient." . Civilisation matérielle, économie et capitalisme, t.2: Les jeux de l'échange , éd. Armand Colin, Paris, 1979, p. 7 et p. 9.

7 Bien qu'il ne faille pas oublier l'importance du country trade; cela n'empêche pas que, au XVIIIème, le produit qui sous-tend tout le commerce à la Chine, le thé, arrive en Europe en droite ligne. C'est au voyage d'aller vers la Chine que le country trade prend son importance, et ce surtout pour les Anglais qui s'implantent profondément en Inde. Pour tout ce qui concerne le commerce entre la Chine et l'Europe au temps des Compagnies, voir: DERMIGNY, Louis: La Chine et l'Occident. Le commerce à Canton au XVIIIème siècle (1719-1833), Paris, S.E.V.P.E.N. 1964. (BSES: 380.0951 DERc)

8 Les précurseurs de Marco Polo, éd Arthaud, 1959. (BPU: Tk 2048 / 35)

9 ...Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen Age à la chute de l'empire chinois, éd. R.Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1992 (Bibliothèque FL chinois: Q.09 95.c VOY).

10 Le Concile de Lyon de 1245 exprime ces nouvelles aspirations; si Plan de Carpin part de Lyon, c'est précisément parce que le pape était dans cette ville et y avait convoqué ce concile.

11 Chypre est la "base militaire" de saint Louis pendant la septième croisade.

12 [...] la Scythie qui s'étend du Danube jusqu'au lever du soleil; [...]. (p. 211-2): il connaît et utilise encore ce terme.

13 Guillaume s'attendait sans doute à voir des créatures semblables à celles, par exemple, qui figuraient et figurent encore au tympan du narthex de la Madeleine de Vézelay, tympan qui représente la Pentcôtew et les peuples de toute la Terre que les Apôtres, touchés par le Saint-Esprit, vont aller évangéliser.

14 Ceux-ci se répandent très tôt dans tout l'orient, leur présence est attestée en Chine dès le VIIème siècle.

15 Cette réponse nous est donnée par Benoît de Pologne, qui accompagnait Plan de Carpin.

16 op. cit., p.125.